Même à 45 ans, les skateurs restent des gamins. Que se passe-t’il donc lorsqu’ils décident eux-même d’en faire, des gamins ? Benjamin Deberdt explore le sujet depuis quelques mois et a photographié certains des plus connus (enfin, qu’ils l’étaient au moins dans les années 90 et début 2000…). Questions, réponses.
„DES SKATEUSES MAMANS, ON N’EN A PAS ENCORE CROISÉ“
Jusqu’ici, combien de « Skatedads » ont fait partie du projet et qui sont-ils ?
Benjamin Deberdt : Nous en sommes à quarante-sept, là… Ça commence à faire ! C’est chouette de voir le projet prendre de l’ampleur petit à petit, depuis le premier pique-nique/ shooting que Leroy République avait organisé au Trocadéro… Les rencontres se font assez naturellement… L’idée originelle étant de Jean-Marc Druesne, le créateur de Leroy République, il avait déjà une première liste, parisienne, en tête, en rapport à sa propre histoire. Des gens avec qui lui avait skaté, ou partagé sur le skate plus tard, dans le boulot, notamment. En en parlant d’autres noms me sont venus et l’on a continué comme ça. Ce qui fait qu’au final, on a un panel varié de skateurs de plusieurs générations, certains connus, d’autres pas, d’un Médhi Pinson avec qui j’ai grandi et commencé le skate, et qui est aujourd’hui plus connu pour sa musique comme DVNO, à un Jérémie Daclin shooté tout récemment avec son fils à Lyon.
Pourquoi limiter ça aux Dads ? Qu’en est-il des Moms ?
Eh bien des skateuses mamans, on n’en a pas encore croisé. Mais si tu en as à nous présenter, nous sommes preneurs. C’est là que l’on réalise à quel point le skate est resté un truc de mecs jusque très récemment. Et heureusement les temps changent, des skate moms, on ne devraient pas tarder à en voir de plus en plus !
Donc là, tu vas faire la même chose que tu as fait à Paris, Nantes et Lyon, à Bordeaux ?
Non, nous avons déjà shooté à Bordeaux, il y a deux mois à peine… Là, nous allons exposer l’intégralité de la série à Darwin, avec donc des photos prises à Paris, Lyon, Bordeaux et Biarritz.
Tu sais déjà qui tu vas photographier ? C’est un projet sans fin, en fait… Il y aura toujours des vieux skaters à photographier…
Tout à fait. D’ailleurs l’idée n’est donc pas de shooter tous les skateurs qui ont des enfants, mais de documenter l’idée qu’ils existent, désormais. Le skate grandit en même temps que ces pratiquants, et donc des skateurs fondant des familles sont et seront de plus en plus nombreux.
Est-ce que les gamins se comportent différemment de leurs pères, pendant les sessions photo ?
En général, je ne connais pas les enfants avant de prendre la photo, et les papas pas toujours non plus… Donc, je ne peux pas comparer leur comportement à ce moment à celui qu’ils ont d’habitude. J’essaie de shooter très vite, pour que ça ne devienne pas une punition. Mais, au final, je dirais que ce sont les adultes les plus stressés !
Le père. Photo : Nohan Ferreira
„L’OUVERTURE D’ESPRIT, LA DÉBROUILLARDISE, LE SENS DE L’AVENTURE… LE TRÉSOR, IL EST LÀ, PAS DANS LES TRICKS.“
Tout est en argentique. Est-ce que les kids demandent parfois à voir les photos tout de suite ?
Oui, l’argentique, c’est ce que je pratique toujours et je réalise que c’est un bon moyen d’être dans ma bulle quand je prends une photo. Personne ne sait quelle image je suis en train d’essayer d’attraper, donc j’évite toutes les remarques constructives de ceux qui pourraient autrement regarder l’écran par dessus mon épaule ! Au final, l’argentique, c’est la facilité ! Ah ah ! Et non, je crois qu’aucun enfant n’a jamais demandé à voir la photo sur le coup… Quand on y pense, les gamins bouffent des photos d’eux à longueur de journée, alors une de plus… Par contre, c’est toujours drôle d’écouter les parents essayer de leur expliquer l’argentique.
Ce qu’il y a de paradoxal là-dedans, c’est que notre génération a commencé le skate à l’adolescence, et pour ma part, c’était un bon truc pour me tenir le plus loin possible de mes parents… J’ai l’impression que beaucoup de papas skaters idéalisent cette relation.
C’est vrai que jusque récemment, le skate était un monde complètement étranger. Quand tu rentrais le soir, crado et en sang, il n’avait finalement aucune idée d’en quoi consistaient tes journées. De nos jours, la grande majorité des moins de quarante sait ce qu’est un grind… Pour ce qui est des papas skateurs, je pense qu’ils sont comme tout ceux qui ont une passion, ils aimeraient la transmettre à leur enfants. C’est naturel. Que ça marche, ou pas, c’est autre chose. Mais, comme on le discute souvent avec Jean-Marc, l’important, c’est plus d’essayer de transmettre les valeurs que le skate t’a apporté : l’ouverture d’esprit, la débrouillardise, le sens de l’aventure… Le trésor, il est là, pas dans les tricks.
Le fils. Photo : Nohan Ferreira
Ton fils, il a un skate ? Est-ce que ça l’intéresse ?
Vers quatre ans, il a voulu essayer les boards qui trainaient à la maison. Il a appris à pousser, mais c’est un jouet de plus, comme le vélo, les rollers, la patinette… Et puis le skate, c’est ce que papa regarde sur son ordinateur lorsqu’il ne s’occupe pas de lui, alors je ne suis pas sûr que ce soit si cool que ça, pour lui…
Entretien réalisé par mail, en mai 2019. L’expo SKATEDADS sera à Bordeaux le 5 juin.