Etant donné la relation étroite qui existe entre Nozbone et A Propos (on se connait bien), cet entretien a longtemps été retardé. Trop facile, trop consensuel. D‘autres skateshops se sont exprimés avant, et puis Nozbone a traversé une période trouble. Alors il a encore fallu laisser passer du temps et puis le moment est arrivé. Voici Alexis Papadopoulos, patron du magasin parisien élu en 2016 ‚best European skateshop‘.
„C’EST LA LOI DE LA JUNGLE DES ENTREPRISES QUE DE DIRE QU’ON A EU DES PROBLÈMES !“
Nozbone a eu des soucis récemment, alors plutôt que d’ignorer le sujet, ce serait pas mal d’en parler, non ?
Alexis Papadopoulos : Clairement, je n’ai aucune raison de le cacher, c’est la loi de la jungle des entreprises que de dire qu’on a eu des problèmes ! Surtout que pendant des années, beaucoup de monde pensait qu’on roulait en Merco, alors qu’on est une petite structure ! Les gens nous imaginaient comme un truc énorme !
Il faut tout de même avouer qu’à l’échelle nationale, Nozbone c’était quelque chose d’important.
Oui, mais ça ne veut pas dire qu’on gagnait beaucoup d’argent.
Mais tu gagnais de l’argent quand-même.
J’ai vécu grâce au shop pendant un bon moment, oui. Mais pendant les trois premières années, rien, et j’ai bien galéré ces trois dernières années… Au bout du compte c’est pas un business qui a rapporté de l’argent. Ça m’a permis de vivre et de faire vivre des gens autour de moi pendant dix ans, mais dans l’absolu, c’était pas un bon investissement, ni pour moi ni pour ma famille ni mes associés !
Au moins, c’était un investissement pour ta santé mentale !
Si tu veux, oui, c’était un investissement-passion ! Mais il faut arrêter de croire que les mecs qui tiennent des skateshops gagnent de l’argent… A part à LA grande époque, fin 90-début 2000 quand des shops comme Snowbeach ou Hawaii Surf ont dû bien gagner leur vie parce qu’ils vendaient énormément de chaussures. A cette époque, ça se vendait 150 balles la paire ! La D3, ils en ont brassé des milliers de paires à l’année… Après j’admets que j’ai gagné ma vie, j’ai pu faire plein de choses et surtout, je me suis éclaté dans ce que j’ai fait. Mais c’était compliqué tous les mois avec les banquiers, les fournisseurs…
Donc clairement, on a entendu des tas de rumeurs, Nozbone était fini, et puis ça a déménagé… que s’est-il passé ?
Alors, les rumeurs que Nozbone c’est terminé ça dure depuis quinze ans. Ça fait partie du jeu, dès qu’il y a un petit souci de paiement avec un fournisseur, comme tout le monde se connaît dans ce milieu, quelqu’un entendra dire qu’on a un problème, donc qu’on va fermer ! La réalité, c’est que Nozbone à un moment faisait un business correct, mais quand-même très loin de certains gros sur le marché, grâce des grosses marques avec lesquelles on travaillait. Ces grosses marques ont décidé, par la force des choses, d’évoluer, d’ouvrir un certain nombre de points de vente (en plus – NDLR). De plus en plus, on avait du mal à suivre le rythme. C’est à dire qu’il y avait un rythme de promos qui s’est d’ailleurs propagé aujourd’hui. Aujourd’hui des marques comme Element, Carhartt, ou même du Levi’s Skateboarding qu’on a vendu pendant un bon moment, tu peux maintenant les trouver en promo tout au long de l’année, et puis elles se retrouvent sur des réseaux qui ne sont plus des réseaux skate. On a quand-même continué à travailler ces marques-là en voulant suivre le rythme, en cassant nos prix, ce qu’on n’aurait pas dû faire. On faisait encore du chiffre d’affaire mais on a perdu de la marge, alors à un moment j’ai dit « on arrête ». On n’arrivait plus à payer nos factures, on n’arrivait plus à suivre… Oui on faisait du chiffre, donc on avait de la trésorerie mais ça sortait aussi vite, donc du coup, on a arrêté de travailler avec ces gens-là parce que de toute façon ils ne nous soutiennent pas, et on ne retravaille qu’avec des petits labels comme on avait fait au début, qui est finalement le rôle réel d’un skateshop…
Tu dis qu’à un moment tu as décidé d’arrêter le shop ?
Non, je dis que j’ai décidé d’arrêter de travailler avec un certain nombre de marques. J’aurais peut-être dû parfois, arrêter le shop, mais je n’ai jamais voulu et je pense que je ne le ferai jamais ! J’en serais incapable. Pour moi c’est une telle chose que j’ai construit, qui a impliqué tellement de gens que je n’ai pas du tout envie que ça s’arrête. En revanche on doit se réinventer, ça c’est une évidence !
„MOI JE VEUX BIEN PAYER DES CHARGES ET DES TAXES MAIS LA MOINDRE DES CHOSES SERAIT QUE CE SOIT LES MÊMES PARTOUT“
Ah ah, je vois très bien de quoi tu parles…
Oui… Le modèle du skate shop a changé, internet est arrivé, avec des gros sites allemands, autrichiens, ou américains (qui ont racheté des enseignes allemandes)… Là je parle de Blue Tomato, Skatedeluxe, Planet Sports qui brassent des millions et des millions d’euros et qui ne payent pas leurs impôts ni leurs charges en France, mais qui ont quand-même accès au marché français. C’est le mauvais côté de l’Europe, le fait que ça ne soit pas uniformisé au niveau fiscal, ça nous fout dans la merde ! Parce que tout le monde sait que la France est l’un des pays le plus lourds en charges et en taxes pour les entreprises… Moi je veux bien payer des charges et des taxes mais la moindre des choses serait que ce soit les mêmes partout ! Bref, on avait des chiffres qui se cassaient la gueule, des marges qui se réduisaient parce qu’on devait s’aligner sur « les gros », et pour des raisons personnelles, je me suis moins impliqué dans le shop pendant un an et demi… Et puis il y a eu les attentats, coup sur coup. Charly Hebdo le premier jour des soldes en janvier et le Bataclan la même année, 2015. C’était en plein milieu de notre quartier, pendant un an et demi les touristes ont disparu… On est entré dans une situation difficile, on avait des grosses dettes notamment à l’URSSAF et à d’autres institutions, alors il a fallu faire ce qu’on appelle un redressement judiciaire. C’est à dire qu’on demande le soutien du tribunal pour essayer de redresser la barre et de repartir sur un truc sain, après avoir remboursé tout le monde.
Et ça a marché ?
Ça a marché dans un premier temps… mais on a dû fermer la boutique originelle à Nation. Ça m’a fait mal au coeur évidemment, mais on a pu faire perdurer le nom Nozbone et on a installé le shop dans le quartier de République, dans un local qu’on avait depuis longtemps. C’est là où la boutique Element s’était installée, en collaboration avec Nozbone. En parallèle, je gérais cette boutique à l’époque. La collaboration s’étant arrêtée il y a environ deux ans, j’avais monté le BLK Shop parce que j’avais envie de créer un autre pôle skateboard à Paris, avec un positionnement différent… Mais au final, on s’est dit qu’il fallait arrêter les conneries et qu’il fallait ramener Nozbone à Répu, parce que Répu c’est le coeur du skate à Paris, voire dans le monde !
Alexis à gauche, Morgane „Agrume“ à droite
En quelle année a ouvert le shop ?
En 2003, le 12 décembre.
Comment tu décides d’ouvrir un skateshop et comment ça se passe au début ?
J’avais travaillé ailleurs (que dans le skate – NDLR), et j’ai un parcours assez classique : j’ai fait des études de commerce, à Montpellier, c’est d’ailleurs ça qui m’a donné envie parce que j’ai beaucoup trainé à Five-0, qui était tenu par Cyril qui est devenu un pote… Bref, mi-90-début 2000 était une période sympa en terme de skate, d’ailleurs ça revient…
Oui, la mode revient mais en terme de business c’est différent.
C’est différent pour les skateshops parce le skate s’est ouvert à d’autres boutiques, je pense, mais le skate a toujours un côté « influenceur » qui est important pour les marques, notamment les grosses marques de chaussures…
Revenons à la genèse du truc.
Oui, donc je parle avec les potes de Montpellier, je bosse dans la musique puis dans une start-up et à un moment j’en ai eu marre du monde de l’entreprise. C’est quand-même une ambiance bien pourrie la plupart du temps avec des gens qui ne pensent à écraser leur voisin pour lui passer au-dessus, alors tu réalises que le meilleur moyen de faire les choses à ta façon c’est de monter ta boîte. Au fond de moi j’avais toujours eu envie de monter un skateshop… Mais je me suis dit que je ne voulais pas le faire à la parisienne, même si je suis un parisien pur jus, j’ai voulu le faire à la provinciale, en mode cool, où les gens peuvent chiller dans le shop, où on leur dit bonjour et au-revoir, où on ne les regarde pas de la tête aux pieds parce qu’ils ne sont pas sapés comme il faut ! Parce qu’il faut être honnête, il y avait un peu ce côté-là à Paris.
Je vois, mais je suis sûr qu’aujourd’hui il y a des mecs qui ont cette sensation-là en entrant dans le shop…
C’est vrai, il y a des gens qui l’ont ressenti comme ça ces dernières années et j’en suis malheureux parce que j’essaye de me battre contre ça… Tu as beau faire pour que ça n’arrive pas et forcément dans le skate, il y a ce côté un peu snob qui finit par arriver, « tu n’es pas de mon monde », ce côté communautaire finalement… Mais il faut garder en tête en permanence cette idée que tu es là pour parler aux gens, tu as un peu un rôle d’éducateur pour les kids, c’est essentiel ce que tu vas leur dire…
Tu crois toujours au côté social du skateshop ?
Bien-sûr, si tu veux faire du business, mieux vaut aller vendre des assurances. C’est mon point de vue, ça ne veut pas dire que j’ai raison, mais la moindre des choses c’est de donner envie aux kids de faire du skate, de leur ouvrir les yeux sur un certain nombre de trucs, sur la culture skate…
Ok mais toi, en tant que quarantenaire, ta vision du skate a un peu vieilli, non ?
Oui, mais la vision qui ne devrait pas vieillir c’est celle de s’amuser en skatant. Moi j’ai toujours voulu faire passer ce message. Après, quand tu vois un kid qui est motivé, avec un talent, la moindre des choses c’est de le soutenir et d’essayer de le développer. On en a vu passer un max, des gars comme ça et aujourd’hui, il y en a qui… disons qu’ils sont bien placés dans l’ « industrie » !
Qu’est-ce qui a changé en 15 ans ?
Le skateshop n’est plus un commerce de destination comme ça l’était à l’époque. On disait qu’on pouvait ouvrir un skateshop dans une petite rue paumée et que les mecs viendraient toujours. Si tu te souviens où était Street Machine, c’était exactement ça. Les mecs venaient, regardaient les magazines, se donnaient rendez-vous pour aller en session, etc. Aujourd’hui il n’y a plus ça. Enfin, si, ça existe encore un peu, mais beaucoup moins. Il n’y avait pas Instagram, pas Facebook, pas de site de revente en ligne où tu peux trouver tout ce que tu veux…
Et en terme de gestion, de business ?
Ce qui a changé, c’est que les petites marques avec lesquelles on a ouvert sont devenues des très grosses marques, souvent rachetées par des grands groupes, comme Element par exemple, Volcom ou Carhartt… Des marques qu’on avait en exclusivité plus ou moins, qui ont pris une croissance énorme et qui sont allées voir à-droite-à-gauche… Ce sont des marques qu’on ne travaille plus, c’est le rôle du skateshop de se renouveler et de développer les petites marques, de pousser le petit label skate parisien, d’aller chercher les derniers labels new-yorkais un peu branchés ou le crew de SF qui fait des t-shirts…
Qui sont vouées à devenir des grandes marques…
Oui, par contre certaines marques aujourd’hui jouent beaucoup plus sur l’exclusivité, comme Dime, qui ne veulent pas être partout pour pouvoir valoriser au maximum leur marque. Il y a cette logique-là chez certains labels de skate, pourvu que ça dure ! (…) A l’époque, les marques dont on parlait étaient pour la plupart issues de la culture surf et avaient cette logique de croissance parce qu’ils avaient déjà fait entrer des gens dans leur capital et que ces gens-là voulaient que ça paye pour eux, tout simplement. Donc tant que possible, on évite de travailler avec des marques comme ça… Sauf dans la chaussure parce qu’il n’y a plus que des grosses marques et c’est incontournable, même si on a levé le pied, c’est le cas de le dire, sur la chaussure !
Pourtant tout le monde sait que c’est la chaussure qui rapporte de l’argent aux skateshops, non ?
Plus maintenant. A une époque, oui, mais le problème est toujours le même : est-ce que tu es capable de vendre la chaussure au bon prix assez longtemps, pour écouler le maximum de ton stock au prix fort ? Si tu commences à tout vendre avec des remises, tu perds de l’argent. Si tu as réussi à en vendre avant de faire des promos c’est très bien. Si les marques te soutiennent en reprenant une partie de la marchandise, c’est bien, si elles font en sorte que tu puisses conserver tes prix de vente, très bien, mais si tu es en concurrence avec Go Sport, Skatedeluxe ou Citadium, là, c’est problématique. Eux brassent tellement de volume qu’ils peuvent se permettre des moins 30%… Quand toi tu vends 20 paires, eux vont en vendre 2000 ! L’idée c’est de ne pas se retrouver en concurrence avec ceux-là et essayer de vendre des vrais bons produits.
Donc c’est la faute des marques ?
Tu crois qu’ils s’en soucient de ça ? Si tu leur es utile, ils travailleront avec toi, si tu ne leur sers plus à rien, ils arrêtent !
On parle de marques de chaussures, là, hein ?
Oui, des grosses « major » ! A toi d’être en phase avec ce qu’ils ont besoin à ce moment-là… Mais le problème c’est que toi tu as une vision claire de ton business, d’où tu veux aller, parce que tu as une éthique, mais eux ont une stratégie uniquement sur un an ou deux. Et quand le mec à la tête de la major en question est remplacé, leur stratégie change du tout au tout ! C’est arrivé souvent ! Donc tu as une politique commerciale pendant un an ou deux et ça change. Regarde Nike. Ils avaient fait Nike SB pour faire un truc exclusif avec les skateshops. Ensuite ils ont fait Nike 6.0 pour faire un truc un peu plus large, toujours dans l’univers des « action sports ». Et puis il y avait Nike classique. Un jour ils ont arrêté Nike 6.0, probablement parce que c’était un peu pourri, et ils ont tout mis en Nike SB, avec une segmentation. Un bordel qui a pourri la marque Nike SB à un moment…
C’est comme ça qu’on a retrouvé des Nike SB chez Foot Locker ?
Oui, les Janoski notamment, qui étaient notre petit pain à l’époque ! La Janoski black-white était censée être réservée pour les skateshops ! Au lancement, elles nous ont bien aidées, c’était un super truc : une vraie chaussure de skate faite par un pro que tout le monde veut porter, donc c’était cool, ça se vendait bien et du jour en lendemain Nike a décidé de l’ouvrir à tout le monde. Au final, je ne sais même pas si ça leur a rapporté tant que ça.. Sauf que des skateshops ont arrêté de vendre des Janoski… Je ne suis pas sûr que ce soit bénéfique pour la marque Nike SB, d’ailleurs à un moment, ils avaient enlevé le SB, et puis c’est revenu parce qu’ils se sont aperçus que c’était la marque la plus forte… Enfin bref, je ne connais pas leurs stratégies, mais pour nous c’est difficile à suivre, ils changent tous les ans ou tous les deux ans, donc tu t’engages avec des gars sur une politique et puis un jour tout change. Et c’est là que tu te retrouves avec tout un stock de chaussures que tu n’arrives pas à vendre.
Je vois des Adidas dans le shop, là, ça ne risque pas d’arriver avec eux aussi ?
Tout peut arriver ! Eux ont un peu changé en notre faveur leur politique vis-à-vis des skateshops. Ils ont plutôt tendance à fermer des comptes pour vendre sur leur site internet ou leurs boutiques. Donc pour ceux qui restent, il faut que ce soit des boutiques qui valorisent leur produit. Et ils offrent des conditions commerciales plus attractives…
En gros ils achètent l’image du magasin pour valoriser leur marque.
Clairement, oui ! D’ailleurs l’avenir des petits magasins est là : on devient des vitrines pour ces marques, et il faut arrêter de croire qu’on va gagner de l’argent à vendre leurs chaussures… On en gagnera un peu, mais ça ne suffira pas… Mais c’est de l’image pour eux, c’est de la connexion directe avec le skateur !
Et ça, est-ce que les marques l’admettent ou est-ce qu’il le nient ?
Je pense qu’ils l’admettent en interne, mais évidemment ils ne vont pas te le dire pour éviter que tu monétises ça ! Mais bon, c’est normal, c’est évident, il faut juste en être conscient et négocier correctement.
Nozbone est devenu une marque, aussi, non ?
Oui, c’est une marque. On fait des boards, des roues, des t-shirts, des sweats, des bonnets depuis des années…
Mais là tu te mets en concurrence avec les petits labels dont tu parlais !
Non, on n’a pas la même image. Nous on est le skateshop parisien, Quartersnacks c’est New York, GX1000 c’est des mecs de SF, Dime ce sont des Québécois un peu fous, d’ailleurs j’aime beaucoup leur état d’esprit parce que ça représente vraiment pour moi le skate à l’ancienne sans se prendre trop au sérieux. Nozbone c’est la boutique parisienne de skate, le touriste Américain est content d’acheter nos produits qui n’ont rien à voir avec ces autres marques-là. On est une marque, d’ailleurs on est vendu dans d’autres magasins, notamment au Japon.
J’ai l’impression que tant que c’est français, tu peux vendre n’importe quoi, au Japon !
C’est sûr, mais tout le monde ne vend pas au Japon ! Et c’est pas nous qui sommes allés les chercher !
Quelles sont les erreurs que tu as pu faire, dans le passé ? L’idée de cette question c’est d’éviter à d’autres petits shops qui liront ça de les faire…
Les erreurs que j’ai pu faire sont de ne pas avoir su remettre en cause des business établis. J’ai travaillé longtemps avec des marques sans remettre en question leurs manières de fonctionner. Je laissais couler alors que j’aurais dû arrêter de bosser avec certaines beaucoup plus tôt, des marques qui travaillaient déjà avec d’autres gens autour de nous… Et ça nous a planté ! Typiquement, il faut remettre en cause ses habitudes de travail plus souvent. Maintenant je me pose la question à chaque saison. Une autre erreur que j’ai fait, c’est de n’avoir pas été assez présent en boutique, après la mort de mon frère. Je ne pouvais pas faire plus, mais il aurait fallu. Il faut être là, sur place, il faut « driver » les gars… C’est important, surtout si tu veux conserver ton image. Après, ça m’est arrivé à d’autres moments aussi… Une autre erreur a peut-être été d’embaucher trop. Mais c’était dans mon état d’esprit, je voulais qu’il y ait du monde, sauf qu’en France, quand tu embauches, en termes de charges sociales et compagnie, tu prends super cher ! On avait un confort certain à embaucher, mais ça coûte beaucoup d’argent et c’était pas forcément nécessaire quand je l’ai fait. Des erreurs de gestion ! Des erreurs que tu ne reproduis plus quand tu es en redressement judiciaire ! Mais quand on te dit qu’il faut que tu te sépares de quelqu’un, tu retardes le truc le plus tard possible et puis au final, tu as tellement attendu qu’au lieu de devoir te séparer d’une personne, tu dois t’en séparer de deux !
Il y a eu des succès aussi, qu’est-ce que tu retiens de ces 15 ans ?
Globalement, je retiens qu’on a toujours fait ce qu’on avait envie de faire. Qu’on ne s’est jamais trop posé de questions en faisant les choses…
2009
D’où les erreurs !
Peut-être mais d’où les succès aussi ! Parce que quand il s’agissait de faire la première vidéo d’un skateshop parisien, la Rendez-vous, bah, on l’a fait ! Quand il s’agit d’avoir 15 gars dans le team parce que tu les trouves tous forts et que tu ne peux pas t’empêcher de les aider, on le fait ! Quand on fait le Benchmark Contest avec des bons budgets pour au final ne rien gagner du tout, on le fait !
On traverse aujourd’hui une période difficile pour les magasins, est-ce que ça se serre les coudes ou est-ce que c’est toujours la guerre à Paris ?
Je ne pense pas qu’il y ait réellement de guerre, aujourd’hui. S’il y en a qui se battent, ils se battent tout seuls ! Paris est vaste, il y a de la place pour tout le monde. Moi j’ai surtout envie que les skate shops parisiens soient bien présents, pas d’autres qui viennent d’ailleurs se pointent… Parce que c’est ce qui nous pend au nez en ce moment. (…) Avec Véga ça se passe très bien malgré le fait qu’on soit proches géographiquement et que notre état d’esprit est relativement similaire, Ben (Ben ‘Jemmapes’, vendeur chez Nozbone- NDLR) les connaît bien, ils ont des riders qu’on connaît très bien… Comme les gars de Balargue ! J’aime cette idée de monter un crew, faire des vidéos, se bouger le cul, etc. ! C’est vrai qu’il y a eu une époque où ce n’était pas toujours drôle entre nous, mais on avait quand-même réussi à faire des trucs avec Street Machine, Doc Shop…
C’était quels événements ?
On a fait le Go Skateboarding Day ensemble pendant trois ou quatre ans, la descente depuis la Place des Fêtes jusqu’à Bercy où on faisait un gros barbecue ! Je me souviens bien avoir servi pas mal de saucisses ! Ah ah ah ! On l’avait fait ensuite avec WESC… Je ne suis pas contre le refaire aujourd’hui ! (…) Après Doc Shop et Street Machine ont disparu, et puis j’ai 46 ans, je n’ai plus les mêmes affinités. Mais si demain Ben qui est tous les jours au shop me dit : « Tiens, les mecs de Balargue et le mec de Vega sont chauds de faire un truc ensemble », je serai chaud aussi ! On avait fait d’ailleurs un truc, grâce à toi, la Hangover Session ! Des conneries comme ça on a envie d’en faire, des contests débiles où on rigole bien, parce que c’est ça l’idée du skate !
Entretien réalisé à Paris le 4 novembre 2019.