A PROPOS DU CONFINEMENT – 2/2

Le monde tourne au ralenti. L’Industrie du skate, aussi futile que cette activité puisse être, reste un business qui fait vivre un certain nombre de gens. Comment vivent-ils cette période difficile à appréhender ? A Propos a posé la question à quelques acteurs de cette industrie. Deuxième partie.

IMG_0637Illustration : @_morgan_navarro_

LES MARQUES

TOM AMIOT (Rave skateboards)
« On essaie de gérer la période au mieux de rester productifs. On est trois associés sur Rave on est tous confinés d’un côté ou de l’autre de la France donc on est très adepte du call Messenger à rallonge en ce moment ! Niveau business c’est assez compliqué vu qu’on bosse en très grosse partie avec les shops qui sont tous fermés en ce moment. Après on doit continuer à assurer ce qui est déjà disponible et préparer l’après confinement pour espérer avoir le moins de pertes possibles et de trouver des compromis avec les shops pour que ça reparte du mieux possible.“

En ce qui concerne les mesures du gouvernement, on est bien évidement éligible à l’aide de 1500€ mais ça permet tout juste de payer le loyer des bureaux, du stock et les abonnements divers et variés. Donc c’est vraiment pas grand chose.

On a toujours notre site internet qui fonctionne on s’est organiser pour envoyer les commandes une fois par semaine. On a des commandes assez régulièrement mais on a pas vu une explosion de commandes depuis qu’on est confiné. Je pense pas que les gens aient tellement la tête à acheter de la fringue ou du matos de skate ! Tout le monde cherche des puzzles en ce moment !“

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BERTRAND SOUBRIER (Haze wheels, Basementhill distribution)
« Tout est gelé. J’ai eu deux grosses commandes le premier jour du confinement Français, du distributeur Allemand et l’autre d’un distributeur Suédois, sorti de ça il y a eu Bud Skateshop qui m’a passé une commande la semaine dernière. Pour Basementhill cela devrait aller, mais j’avoue que pour un business qui était déjà un peu bancal ça va être un coup de massue. Tout dépend aussi de la durée du confinement, mais les entreprises ont le droit à un prêt à taux zéro avec comme garant l’État, donc on est quand même pas les plus à plaindre. (…) Pour l’instant ça va mais j’avoue que si le confinement dure deux mois de plus je pense que je demanderai un crédit, donc en soi cela devrait bien se passer pour nous tous, enfin ‘bien se passer’ on se comprend, ça devrait passer plutôt ! »

BeberFreestyle Béber. Photo : @mariejujub

« Je pense que quand on va lever le confinement les ventes vont doubler pour les skateshops ainsi que les marques et toute l’économie globalement. Après il faut avoir un stock conséquent au moment où le confinement est levé pour assurer les ventes… De toute façon c’est comme tout dans la vie le plus dur c’est les transitions, il faut s’adapter en urgence et si tu n’a pas les reins un peu solides c’est sûr que tu vas avoir beaucoup de mal à t’en relever. »

« Un autre truc c’est qu’il y’a quand même des sous qui vont être débloqués pour les gérants de sociétés qui n’ont pas réalisé leur chiffre d’affaire à hauteur de 70 % je crois… Apparemment on doit toucher 1500 € pour le mois en confinement. Après, faut voir quand les sous arriveront sur nos comptes, hein ! Mais si ça dure trop longtemps, je revendrais les Travis Scott ! Ah ah ! »

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JULIEN BACHELIER (Antiz skateboards, Iron distribution)
On vit le confinement comme tout le monde, on reste à la maison. ‚Le business‘ est à plat, on dépend des shops donc c’est néant. Malgré tout on est souvent en contact avec toute l’équipe pour organiser, planifier les futurs projets vidéo et tours. On reste actif avec les réseaux sociaux.

On vend très peu sur le site, ce qui nous importe ce sont les skateshops, la vente en ligne c’est eux.

Nous sommes une société par conséquent les mesures du gouvernement peuvent s’appliquer mais je ne pense pas qu’il faut y compter dessus !

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LES PHOTOGRAPHES

CLÉMENT LE GALL
J’aurai du être en trip à l’heure actuelle et tous les prochains sont en suspend évidemment. Pour l’instant je ne ressens pas trop les répercussions financièrement car j’attends des paiements à droite à gauche de tel ou tel mag, de marques etc. Là où ça va être compliqué ce sera dans deux mois. On verra bien…

Un photographe passe aussi beaucoup de temps chez lui derrière son ordi à retoucher, trier, envoyer des mails, faire des factures… Je suis rentré d’un gros voyage aux Etats-Unis juste avant le confinement du coup j’avais pas mal de taf mais je t’avoue que j’ai déjà fini de bosser sur les photos. Il va falloir s’occuper autrement au bout d’un moment. J’me suis mis à faire des Insta qui mixent plein de photos en même temps, c’est pas mal, ça te force à être créatif et à t’intéresser un peu au graphisme, chose qui peut servir dans le métier… Sinon j’me suis mis au footing comme la plupart des gens. J’ai tenté le skate les premiers jours en bas de chez moi (c’est une residence fermée) et à part du flat pourri y’a vraiment rien du tout et les voisins te regardent un peu chelou…

Ma dernière photo c’était avec Ryan Lay a Phœnix a 9h du mat juste avant que je prenne l’avion en catastrophe pour rentrer en France. Il sautait d’un toit en flip front pour replaquer dans un gros plan incliné avec la replaque sur une route avec beaucoup de trafic. J’étais en mega stress pour lui et mon avion, ah ah !

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MAX VERRET
Effectivement, plusieurs voyages étaient prévus pour mars/avril (skate et autres). Tout ceci est annulé ou reporté jusqu’à nouvel ordre. La première annulation tombée c’est frustrant mais tu comprends vite que la suite ne sera guère mieux ! On prend son mal en patience donc, on en profite pour faire d’autres choses.

J’étais de retour chez mes parents pour voter, en banlieue, lisière de campagne, la situation évoluant assez vite j’ai choisi d’y rester pour le confinement. Il y a le jardin avec pas mal de travaux à faire (bricolage, potager, compost, apiculture…), sinon films et lecture pour rattraper des lacunes, prendre le temps pour ce que l’on reporte toujours ! C’est assez ressourçant pour ma part, mais il faut rester conscient que tout le monde n’a pas cette chance de choisir où passer ce moment, et surtout qu’il y en a pour qui ça ne s’arrête pas (professions de santé, entretiens, alimentation et j’en oublie…).

Ah, et sinon hier première session de flat en 15 jours : board pétée en cinq minutes, c’est le régime confinement !

La dernière photo de skate c’était le vendredi 13 mars, avec Maïté, première session avec elle d’ailleurs, très cool et pleine d’énergie ! Sinon la dernière photo, avant hier, à essayer de faire des natures mortes avec ce qu’il y a dehors ou dans les tiroirs !

MAXNature morte par Max V.

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GUILLAUME PÉRIMONY
Je n’avais déjà rien de prévu pour ce trimestre à part du montage. Donc le corona me donne juste une excuse de plus pour rester chez moi ! J’ai toujours un ou deux mois de battement chaque année, jamais à la même période mais c’est vrai que là ça semble parti pour durer. J’ai beaucoup bossé l’année dernière et pour l’instant je reste serein, je vois ça positivement. Pourvu que ça dure…

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LES MEDIAS

CLEMENT CHOULEUR, DÉJÀ-VU Skatemag
La rédaction Le confinement a un impact c’est certain. Il y a le côté négatif bien-sûr : on a dû repousser la date de sortie du prochain numéro, l’imprimeur ne travaille plus, les marques répondent moins aux mails, les évènements sont annulés, le home office au lieu d’être à l’atelier avec les Mecca et la fin des sessions après le boulot. Mais il y a aussi des côtés positifs : on a davantage de temps pour s’attarder sur les détails tant dans l’écriture que la création graphique, on lit davantage et personnellement je me suis replongé dans plein d’anciens magazines. On discute davantage, on planifie et on continue les apéros mais à distance. En y repensant le confinement ressemble pas mal à une période de deadline classique donc pour l’instant ce n’est pas aussi contraignant que ce j’avais imaginé.

L’actualité La force des choses fait qu’on en parlera. Pour te donner un exemple je viens de finir une interview avec mon pote Skyler Trent qui est à SF et forcément on a évoqué le sujet. Deuxième exemple, je suis parti avec les gars de Vega en Espagne juste avant que les frontières ne ferment donc je vais être amené à en parler dans mon article. Mais faire un papier sur l’annulation des J.O ou bien tous les #stayhome challenges ça ne m’intéresse pas vraiment, Jenkem s’en chargera, ah ah !

ElChoubiBien rangé, le bureau de Choubi

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THOMAS BUSUTTIL, De Paris Yearbook
Le confinement Je ne produis pas particulièrement plus de contenu skate. Cependant on trouve toujours quelque chose qui s’y rattache et ce qu’on est amené à produire reste issu de cette façon dont on a envie de documenter les choses, sans forcément avoir un but final.

L’actualitéUn média doit pouvoir choisir le moment où il s’exprime. L’actualité à chaud, ou avec du recul c’est à lui de choisir. Donc oui, un média peut parler de l’actualité après il en fait ce qui est raccord avec sa ligne éditoriale, et il n’efface pas ses anciens articles, quand il se trompe il peut choisir de faire un mea culpa, cela fait même parti de ses statements, de reconnaitre ses erreurs.“

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SÉBASTIEN CHARLOT, Bigspin podcast
Le confinement Dans notre cas ça n’est pas possible de faire de nouvelles interviews, donc bloqués à ce niveau-là. On vient de mettre en ligne celle de Morgan Fabvre qui a été réalisée quelques jours avant ce confinement, et une autre est en cours de montage. On réfléchit à un format à distance, mais à voir si ça peut fonctionner, et si c’est audible. Par contre, on a remarqué que c’est un moment de rattrapage pour ceux qui avaient raté des épisodes, que vous pouvez retrouver sur www.bigspin.media, avec des images et des vidéos de ce dont on parle.

Comme pas mal de gens rattrapent les épisodes manqués et communiquent dessus, on a des nouveaux abonnés tous les jours. C’est surtout une opportunité pour réfléchir à la suite, préparer des interviews, parler avec les futurs interviewés, récupérer des photos et vidéos, mettre à jour notre site…

L’actualitéDans ce cas précis, où la situation est grave et sans précédent, je pense qu’il fallait en parler. Je suis allé skater à République le dimanche matin, veille du confinement, et on a remarqué que les skateurs n’étaient pas concernés par ce qu’il se passait, et étaient surpris qu’on ne leur serre pas la main en expliquant qu’il fallait prendre des précautions. Quelques jours avant, j’avais fait un podcast qui donne des infos factuelles, et sourcées, sur le virus, et j’ai décidé de le partager aussi sur le compte IG de Big Spin, en story.

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PREMIÈRE PARTIE ICI.