Deuxième épisode de la série „Vieilles gueules“ en hommage aux „Vos Gueules“ de Sugar et aux „Le Vieux“ de Soma. Deuxième épisode : Jérôme Chevallier AKA Jer, qui fait partie du carnet d’adresse d‘A Propos depuis environ 15 ans (on peut donc dire sans aucune réserve que cette interview, une nouvelle fois, est du pur copinage).
„CONTRÔLE TECHNIQUE TOUS LES 10 ANS !“
Choko, c’est le même chien que celui du Tour Sans Fin ?
Oui, le même, maintenant il a douze ans et demi et il est quasiment aveugle et sourd ! Alors j’ai essayé de le soigner un peu avec des soins énergétiques mais il est quand-même bien fatigué…
Et toi ça te fait quel âge ?
Je viens d’avoir 43 ans !
Je me souviens qu’on avait fêté tes 30 ans à Barcelone, chez Paul Labadie, on faisait des photos pour une interview dans Soma…
Ah oui, c’est vrai ! C’était un anniversaire assez improbable !
A l’époque les 30 ans pour un skateur, c’était la limite de la retraite ! Et là, 13 ans plus tard, cette limite là est sans cesse repoussée… On a passé les 40, on verra ce qu’il se passe à 50 !
Ouais, contrôle technique tous les dix ans !
Ollie one foot dans la grange. Photo : Cédric Boissolle
Ah ah ah ! Alors, t’as mal où, aujourd’hui ?
Là, à la hanche droite, parce que je suis tombé au skatepark il y a deux jours. A part ça et les poignets fatigués, je n’ai mal nulle part.
Tu fais des étirements, du yoga ?
Non.
Attends, toi qui es dans la médecine douce, tu ne fais rien de tout ça ?
Figure-toi que ma copine est prof de Yoga ! J’en ai fait un peu avec elle mais on n’a pas encore pris le temps de faire ça bien comme il faut. Par contre j’ai commencé le tai-chi. C’est pas sur la souplesse mais c’est un travail sur les énergies qui circulent dans le corps, ça aide un peu. Et l’alimentation, aussi : plus d’alcool, plus de fumette, et je suis végan depuis un an.
„J’AVAIS GAGNÉ 1000 FRANCS !“
Qu’est-ce qui t’as fait sauter le pas (de végétarien à végan) ?
Je me suis fait opérer d’une cheville il y a deux ans et juste après un pote est passé m’apporter une Tomme super bonne. Je me suis gavé, et tant que j’en mangeais j’avais mal à la cheville. Quand il n’y en a plus eu, je n’ai plus eu mal. Donc je me suis dis que c’était le moment d’arrêter les produits laitiers. Depuis je suis en pleine forme !
Donc jamais de courbatures ?
Non, sauf quand je tombe un peu violemment, ce qui arrive très souvent !
Parlons business. Est-ce que tu as déjà gagné de l’argent avec le skate ?
La première fois que j’ai gagné de l’argent avec le skate, ça devait être à un contest aux alentours de 1998. Un best trick à un contest de mini-rampe, j’avais gagné 1000 francs (150€ – NDLR). Et puis en 2009, je crois, j’ai eu un contrat Vans : 2000€ sur un an.
Alley oop FS ollie, pas très loin de la maison. Photo : Tura
T’as dû gagner pas mal des contests, pourtant !
Ah oui, disons que j’ai fait des contests de 1991 à 1996, et à l’époque, tu repartais avec un t-shirt et une casquette ! Ah si, il y a trois ans, j’ai fait un best trick et j’ai gagné 250€, que j’ai dépensé le jour même en prenant deux contraventions !
Tu reçois toujours des colis, aujourd’hui ?
Oui, je suis toujours sponsorisé par Rekiem, donc j’ai des boards quand j’en ai besoin, avec les shapes que je veux, c’est la fête de ce côté là ! J’ai aussi toujours Sirocco, le skateshop à La Rochelle. Julien Bachelier m’envoie des roues Turbo de temps en temps et Vans m’envoie toujours des shoes.
Ah mais t’es encore vraiment dans le game !
Ah ah ah oui, j’arrive même de temps en temps à faire des images avec les gars de Vans quand ils passent dans le coin !
Et ton bowl, t’as l’intention de faire une inauguration officielle ?
J’aimerais bien, mais je ne sais pas encore comment faire. Je vais attendre les beaux jours et de l’avoir un peu agrandi. C’est un peu petit, même si j’ai aussi une sorte de skatepark dans une grange et la rampe qui bouge dans le jardin ! Mais ça reste à organiser et tu sais, plus je grandis, parce que je ne vieillis pas vraiment, plus je suis strict sur le respect de la nature. Du coup je n’ai pas envie de voir débarquer trop de gens qui vont jeter leurs merdes partout…
Le bowl à la maison, sous la neige, là.
Tu deviens plus exigeant, plus sage… un bon vieux con !
Ah ah ah, exactement !
Comme moi, quoi !
Oui, on suit un peu le même chemin, à des endroits différents ! Bref, je réfléchis à tout ça, j’aimerais bien coupler ça avec des concerts dans la grange, mais il faut que j’accepte que les gens soient différents…
Eviter que les gens pissent dans tous les coins du jardin, quoi… Il faut poser les règles dès le départ, ça peut marcher.
Oui, c’est marrant j’y pensais cette nuit, je me voyais en train d’expliquer aux gens comment se comporter dans un lieu comme ça…
„ON A FAIT 900M2 DE SKATEPARK EN BÉTON !“
Tu me disais tout à l’heure que t’es allé faire un skatepark en Inde ?
Oui, on s’est retrouvé avec mon pote Léo à devenir les chefs de chantier de la construction du skatepark à Janwaar, via une ONG. En arrivant là-bas, l’architecte qui supervisait le truc nous a montré des plans et nous posait des questions sur les cotes, les quantités de béton… des choses dont on n’avait que des idées vagues. Mais on a dit qu’on allait faire comme ça et comme ça, un peu au pif, et quand on est arrivés sur le spot, on a constaté qu’il n ‘y avait rien, juste une dalle en béton même pas lisse ! Et on avait juste un plan et un mètre ! Donc on a commencé à tout faire à la main. Quand le mètre était trop petit, bah, on mesurait avec une ficelle, à l’ancienne ! Pour les niveaux pareil, à la bouteille d’eau ! Du coup ils nous ont apporté des briques avec lesquelles on a construit toutes les structures des modules et environ 70 remorques de terre qu’il a fallu tasser avec des pilons faits maison, comme des pilons pour écraser le grain ! Ensuite on nous a apporté du gravier et de la ferraille, mais pas en treillis, donc il a fallu fabriquer le treillis, j’ai passé des heures à disquer et fabriquer tout ça… Sachant que l’électricité fonctionnait de manière aléatoire. C’était deux fils accrochés aux fils électriques, si bien que dès que le vent se levait, on n’avait plus d’électricité !
Les McGyver du skatepark ! Ah ah ah !
Exactement, il y avait une scie, deux marteaux, dix truelles et c’est tout. Heureusement on était aidé par les villageois, surtout des femmes, et quelques maçons.
Switch blunt one foot, toujours à la maison. Photo : Clément Le Gall
Et vous avez réussi.
Oui, on a fait 900m2 de skatepark en béton !
Et vous avez eu le temps de le skater ?
Eh bah non ! Quand on est parti, le sol n’était pas entièrement fini et pas sec, donc on n’a pas pu tester. Quand on a atterri à Toulouse, on a reçu la photo du park avec le sol terminé, sachant qu’il fallait encore attendre une dizaine de jours pour le skater…
T’as l’intention d’y retourner ?
Oui, j’ai rencontré des gens formidables et c’était une expérience humaine incroyable. On n’avait qu’un seul traducteur, donc souvent on se débrouillait comme on pouvait pour communiquer. C’était fort de non-dialogue, et c’était génial ! On était à la frontière de la réserve des tigres, dans le centre du pays, on a pu y aller, on n’a pas vu le tigre mais on a vu des traces toutes fraîches !