Les attentats du 13 novembre ont touché tout le monde, de près ou de loin. Qu’on le veuille ou non, les habitudes et les comportements changent. Quelles en sont les conséquences sur la petite économie du skateboard ? Au-delà des dégâts psychologiques, comment les skateshops, déjà malmenés en 2015, vivent ce nouveau coup dur ?
Pour en avoir une petite idée, je suis allé interroger Alexis Papadopoulos de Nozbone à Paris, Hadrien Haverland du coin skate au Citadium (Paris) et Laurent « Momo » Molinier de Bud skateshop à Marseille.
D’abord, il y a eu l’inquiétude. Nozbone se trouve à moins de 200 mètres du Comptoir Voltaire où l’un des kamikazes s’est fait exploser, au milieu du onzième arrondissement. Alexis raconte : « Le lendemain des attentats, comme je ne travaillais pas, la première chose que j’ai fait, c’est appeler ceux qui devaient bosser. Et au début personne ne répondait, donc j’étais un peu en stress… Tous habitent dans le quartier. Et s’il leur était arrivé quelque chose ? (…) Je me suis dit « merde »… J’ai stressé un peu et puis j’ai fini par les avoir. Tout allait bien. On a ouvert le shop normalement. »
À quatre kilomètres de là, chez Citadium, qui fait partie des « grands magasins » parisiens, c’était plus compliqué pour Hadrien : « Normalement, on ouvre de 10h à 20h. Moi je commençais à 10h30 mais ma collègue s’est pointée à 10h. J’ai appelé avant de venir et elle m’a dit que le magasin n’ouvrait pas avant 11h. Le magasin a ouvert à 11h20, et à 11h50 il a fermé parce qu’ils ont estimé qu’il n’y avait pas assez d’agents de sécurité pour contrôler tout le monde. Donc le magasin est resté fermé. Un samedi ! » Un samedi triste et gris où il faisait meilleur à la maison.
„ET LÀ ÇA A ÉTÉ LA PANIQUE !“
La semaine suivante, la pression s’installe et les magasins subissent les effets directs de l’Etat d’Urgence. Le mercredi suivant, chez Citadium, il y a « une voiture suspecte garée devant l’entrée. Du coup, une équipe de déminage arrive et a boucle tout le périmètre. Notre directeur vient nous dire ce qu’il se passe, qu’une entrée est fermée et que personne ne peut ni rentrer ni sortir du magasin ! Même les clients ! Au bout d’un moment, des flics en civil sont rentrés sans prévenir avec les fusils à la main en hurlant « tout le monde à terre ! » et là ça a été la panique ! »
Alors que le froid tombe au même moment sur Marseille, Momo constate : « J’ai plus ressenti une baisse de la fréquentation la semaine qui a suivi que le week-end. En plus on a eu le Mistral ! (…) Mais ce n’est pas parce qu’on est à Marseille qu’on est à l’abri. Il y a eu des rumeurs d’attentats dans des centres commerciaux. Et même si c’était des hoax, il y a de la pression, c’est certain, surtout dans les grosses enseignes. », et relativise : La Friche, où se trouve Bud « c’est plus un endroit artistique, même si ce n’est pas le MUCEM qui brasse beaucoup plus de monde ! ».
Nozbone tel qu’il est présenté dans Google Maps.
„D’UN POINT DE VUE UNIQUEMENT BUSINESS, CHARLIE HEBDO C’ÉTAIT PIRE“
En janvier, l’attaque contre Charlie Hebdo avait eu lieu un mercredi, premier jour des soldes. L’attaque de l’Hyper Cacher le vendredi suivant. « D’un point de vue uniquement business, Charlie Hebdo, c’était pire. » selon Alexis. Quand décembre amène du monde dans les shops, novembre est d’ordinaire calme. Mais en période de soldes comme en janvier dernier, si les clients se faisaient rares au magasin, les commandes sur Internet chez Nozbone ont presque doublé par rapport à la même période, l’année précédente : « Les gens ne sortaient pas de chez eux et commandaient sur internet. La preuve en est qu’on n’a jamais autant livré à Paris, les gens préféraient mettre 5 euros de plus de frais de port pour éviter d’avoir à se déplacer. » (Alexis). Cependant, ce rebond inattendu ne comble pas les pertes en boutique. Et d’une manière générale, en toute logique, plus les achats se feront sur Internet, moins il y aura de skateshops…
La semaine suivant les attentats, Hadrien constate « 20 à 30% d’affluence en moins dans le magasin. » et il y a toutes les chances que tous les skateshops de France annoncent le même chiffre. Si une personne sur trois hésite à aller mettre les pieds dans les skateshops le lendemain d’un attentat, ou s’il ferme ce jour-là, il s’en remettra. Le problème est que le traumatisme dure des semaines pendant lesquelles les fournisseurs, bailleurs et les banquiers s’impatientent. Et non, au risque de se répéter, les commandes Internet n’aident pas. La moitié des skateshops en France ne sont d’ailleurs pas équipés d’une plateforme de vente en ligne. Bref, si vous avez du matériel de skate à acheter, vous savez où aller…