5 LIVRES DE SKATE PLUS OU MOINS INDISPENSABLES

L’autre jour, dans mes pérégrinations interminables sur Instagram, je suis tombé sur un compte qui publie des photos de gens qui lisent (des livres) dans le métro. Un phénomène devenu si rare que quelqu’un a eu l’idée de les répertorier. Je me suis rassuré en me disant que vu le nombre de bouquins que j’ai lu au cours des douze derniers mois, il y avait peu chance que je finisse là-dessus : ceux qui passent entre mes mains sont plutôt des BD ou des trucs de skate vachement plus encombrants qu’un livre de poche sans image, comme les cinq ci-dessous.

Par David Turakiewicz

J’ai acheté ce bouquin avec beaucoup d’enthousiasme et de curiosité. Pourtant l’un des auteurs, Morgan Bouvant, est plus connu pour ses selfies avec Tony Hawk et l’organisation de gros évènements (via sa boîte ICON), que pour ses qualités d’éditorialiste (on lui doit, entre autres, l’organisation du Teenage Tour au début des années 2000 qui aura marqué tout une génération, et la très bonne expo Public Domaine il y a une dizaine d’années à Paris). L’autre auteur, par contre, Sébastien Carayol, a longtemps rôdé dans les médias et n’en est pas à son premier bouquin. C’est peut-être le seul vrai journaliste ayant jamais bossé pour des magazines de skate (de Freestyler à Skateboarder) aussi bien que pour des grands médias mainstream comme Libé, L’Equipe ou Vice. Finalement, si l’on prend le carnet d’adresse de l’un et l’expérience de l’autre, ce bouquin ne pouvait être qu’une réussite.

L’objet en lui-même est magnifique, l’impression et la finition sont impeccables, le graphisme irréprochable, et la recherche iconographique est elle aussi parfaitement exécutée. Bon, par-contre, le bouquin pèse plusieurs kilos et c’est ultra chiant pour lire (et pas uniquement dans le métro). Le sommaire est pertinent, mais je trouve les magazines plus spontanés pour raconter l’histoire du skate. Alors j’ai revendu mon exemplaire. Je préfère garder de la place pour mes vieux Transworld et Sugar que je feuillette régulièrement, plutôt que pour un bouquin de plus qui finira par prendre la poussière et me casser le dos au prochain déménagement !

„Skateboard culture“, par Morgan Bouvant et Sébastien Carayol, éditions du Chêne, 544 pages, 60 euros.

Figurez-vous que j’ai été contacté par l’éditeur de ce bouquin (sur recommandation d’un certain Fred D.) pour en être le co-auteur. Je me souviens avoir de mon côté recommandé de bosser avec Vincent Milou plutôt que Aurélien Giraud (ils tenaient absolument à avoir quelqu’un de cette notoriété) et de choisir Morgan Navarro pour les illustrations. Et puis je n’ai plus jamais entendu parler du projet. Visiblement, David Couliau avait un meilleur profil, ce qui est tout à fait incontestable. Avec moi, ça aurait fini en pamphlet sur les JO, la fédé, et tous les trucs foireux du skate… Pas très vendeur, quoi.

Je ne suis pas certain du degré d’implication de Vincent Milou dans l’affaire, mais toujours est-il que le bouquin est l’une des rares réussites de « vulgarisation » du skate publiées en français. Bref, si vous cherchez un truc moins cher (et moins encombrant) que Skateboard Culture à mettre sous le sapin pour le fiston, vous avez trouvé.

« Skateboard – Comprendre et progresser », par David Couliau (et « avec Vincent Milou »), illustré par Thibault Apretna, éditions Paulsen Jeunesse, 208 pages, 26 euros.

Michele Addelio vit en Australie et publie régulièrement Backside skatemag (en ligne et sur papier). Je ne résiste d’ailleurs pas à plonger de nouveau dans l’égocentrisme pur et simple (comptez le nombre de „JE“ dans cette page) en vous partageant l’interview qu’il avait fait de ma personne il y a quelques mois, où je me livre sans détour sur une vingtaine d’années à faire n’importe quoi dans la presse skate française… Quoi qu’il en soit, Michele a réalisé un joli bouquin dont j’ai aimé le format raisonnable, le papier agréable et le graphisme moderne et sans bavure. Au menu : une selection de 23 artistes pas forcément connus mais tous liés au skate (dont Lucas Beaufort et Henry Jones) qui exposent leur travail après avoir répondu aux petites questions de Michele. Rien d’incroyable sur le fond, mais rafraichissant sur la forme.

Le genre de bouquin donne envie de d’aller s’acheter un bloc et un Posca chez Rougier & Plé et d’essayer d’entamer une carrière d’artiste pour ne plus jamais avoir à aller bosser.

„Skate & Art“, par Michele Addelio, Lannoo publishers, 256 pages, 36 euros.

JB Gurliat avait shooté la photo de couverture d’A Propos #3, sur laquelle figurait Alexis Jamet, avait fait l’objet d’un « Le Jeune » dans Soma quelques années auparavant et apparaissait occasionnellement dans divers projets skate, jusqu’à ce qu’un jour son nom surgisse sous des photos de la newsletter de la Mairie de Paris. On peut donc en déduire que faire la couv’ d’un mag de skate de renommée internationale l’a directement mené là où il est aujourd’hui, à savoir officiellement photographe pour la Mairie de Paris.

Ce qui est sûr, c’est que JB n’est pas avare de side-projects, comme celui que j’ai actuellement entre les mains. Une vidéo de skateboard est la première vidéo de skateboard sur papier au monde, qui ne nécessite donc aucun appareil électronique moderne pour la visionner, puisque celle-ci s’effectue directement entre votre hippocampe et l’hémisphère droit de votre cerveau (les parties soit-disant associées à l’imagination), à la vue de spots vides et la lecture des tricks y ayant été effectués. Conceptuel mais terriblement efficace.

« Une vidéo de skateboard », par Jean-Baptiste Gurliat, auto édité, 200 pages, 30 euros. Plus d’nfos ICI.

Depuis 2023, la Street League est partenaire de Rumble, une plateforme vidéo similaire à YouTube, à ceci près qu’elle promeut le « free-speech », un concept américain très différent de la « Liberté d’expression » française, qui laisse libre court à toutes les dérives possibles : discours haineux, négationisme, insultes, etc. (en France, tout ceci est répréhensible). Contrairement à YouTube, Rumble ne modère quasiment pas les contenus suprémacistes, masculinistes, homophobes, complotistes et autres réjouissances ultra-réactionnaires. Le genre de truc qui pourrit la société. En cautionnant ça, on peut aisément dire que la SLS, au-delà du concept élitiste et commercial du contest, participe aussi au pourrissement la société. 

Pierre-Antoine Lalaude, lui, est loin de tout ça. Il a simplement fait des chouettes photos lors de l’étape française de la SLS cet automne, à Roland Garros. Et plutôt que de tout balancer sur Instagram ou de laisser mourir ça sur un disque dur, il a décidé d’en faire un bouquin, sans texte ni même de titre sur la couverture. Juste une cinquantaine de pages et 50 exemplaires imprimés, déjà disponibles chez Buzzz et Empire skateshops, ou en s’adressant directement à lui par DM. Qu’on aime ou qu’on déteste la Street League, c’est quand-même toujours plus agréable de voir des photos de skate imprimées en format A4 que sur un écran de téléphone. Surtout que, malgré tout le mal que je pense de la SLS, je dois admettre que le la scénographie du park façon court de tennis en terre battue était particulièrement réussie, et que PAL a eu le bon œil pour tirer profit de ce décor. On lui pardonne donc, et on le remercie d’ouvrir les nôtres, sur la réalité de la SLS.

SLS Paris 2025, de Pierre-Antoine Lalaude, auto édité, 48 pages, 20 euros.

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