Soma vient d’avoir dix ans. A Propos en aura sept en janvier 2018, si tout va bien… Retour sur la genèse de ces deux magazines et sur une décennie compliquée pour la presse skate française.
Le premier numéro de Soma avait été distribué gratuitement aux skateshops mais affichait le prix de 1 euro (au dos). L’idée était que les shops se fassent un fond de caisse avec pour pouvoir acheter le suivant qui leur était vendu 50 centimes (et toujours au prix public de 1 euro). Un système qui permettait au mag et aux magasins de gagner de l’argent mais pour une raison qui m’échappe encore, n’a jamais marché. Ainsi, après quelques numéros et augmenté ses tarifs pub, Soma devenait totalement gratuit.
En 2007, c’était Sugar qui fêtait ses dix ans. Chill, après deux ans d’existence, venait de s’arrêter. Freestyler, pareil, après douze ou treize ans de bons et loyaux services. En théorie, Soma avait le champ libre, sauf que 2007 est l’année de la crise des subprimes, qui découla sur la fameuse crise économique de 2008. Le mag en avait fait les frais, mais grâce à l’aide à la création d’entreprise (l’ACCRE, accordée aux chômeurs qui gardent leurs droits pendant la première année d’exercice), quelques sacrifices et beaucoup de chance, il avait tenu le coup, malgré l’arrivée de Pause (2 numéros en 2010) en kiosque…
Le premier numéro d‘A Propos est sorti en janvier 2011. L’idée était de ne parler que de la scène parisienne pour ne pas concurrencer Soma, le grand frère, et d’essayer d’imposer Les Editions du Garage (Soma, A Propos et même un magazine de snowboard, Opium) dans le paysage de la presse gratuite. Mais la crise a perduré et plus le temps passait, plus on y mettait d’énergie, moins Soma rapportait d’argent. A Propos n’en rapportait pas vraiment mais n’était pas fait pour, donc survivait…
En août 2013, Soma est mort. Trop compliqué, trop de boulot, plus l’énergie de faire deux magazines à la fois. Un mois plus tard, Fred D. déterrait le corps, décidé de le faire revivre. Le deuil était fait pour moi, j’ai gardé A Propos, et après avoir été associés, on s’est retrouvés en concurrence, avec Fred, au moins sur les budgets pub…
Après 6 numéros parisiens (et quelques hors-série), A Propos a adopté un thème à chaque numéro, histoire de se différencier d’un point de vue rédactionnel, et s’affranchir de la pression des annonceurs…
L’idée du mag, depuis 2014, est de proposer des articles libres de cette pression commerciale et d’aborder le skate d’une manière différente. Si j’admets avoir dans le passé parfois fait des magazines plus pour satisfaire les annonceurs que les lecteurs, cette époque est révolue. Pas sûr encore d’être journaliste, mais je fais au mieux.
L’objectivité ne paye cependant pas. Certains annonceurs (qui financent le mag, donc) m’ont d’ailleurs clairement fait savoir que s’il n’y avait aucune perspective de contenu lié à leur marque dans le mag, il n’y achèteraient pas de page de pub… Quand c’était encore implicite il y a quelques années, en 2017, certaines marques sont aujourd’hui ouvertement dans ce „délire“. D’autres comprennent cependant, et soutiennent A Propos dans cette démarche. Mais pas assez pour perdurer sous sa forme initiale.
En 2014 et 2015, le mag sortait quatre fois par an. Une fois l’imprimeur, le distributeur, le graphiste et tous les pigistes payés, il restait même souvent de quoi me payer un SMIC. En 2016, les choses se sont compliquées et il a fallu réduire la voilure pour l’année suivante : il n’y aurait plus que 2 numéros en 2017 (juin et décembre), dans la mesure du possible…
Sugar, qui fêtera ses vingt bougies en novembre, a dû lui aussi passer de mensuel à bimestriel et vient d’adopter le concept du numéro à thème, mais reste en kiosque à 5 euros. Soma sort de manière un peu aléatoire, a réduit sa pagination et il paraît que Beach Brother prépare un numéro annuel exclusivement skate… Reste Free qui joue le jeu des annonceurs sans trop en faire non-plus, et le très bon Solo qui a trouvé le bon compromis : au lieu d’attendre que les annonceurs leur proposent des trucs pas toujours intéressants, ce sont eux-même qui les démarchent pour leur soumettre des idées d’articles à leur sauce. C’est un peu plus objectif, et donc, plus intéressant mais difficile à trouver en shop.
Aujourd’hui, impossible de dire si le numéro d‘A Propos prévu pour décembre sortira. Instagram est devenu le média de référence au moins pour le skate, les kids qui commencent n’ont jamais vraiment lu de magazine papier et les ‚jeunes‘, d’une manière générale, ont plus tendance à faire confiance à un Youtuber qu’un journaliste… Reste le web, et si vous êtes parvenu jusqu’à cette phrase, c’est qu’il y a encore de l’espoir ! Ah ah ah !