5 QUESTIONS : BASTIEN DUVERDIER

Avant d’être bluesman, Bastien avait fini en couv‘ du premier numéro de Thrasher version française. Pas forcément le meilleur moyen de commencer une carrière. L’eau a depuis coulé sous les ponts et dans un monde parallèle, Bastien s’appelle Képa et donne des concerts à l’Olympia, tout seul avec sa guitare et son harmonica. L’interview était dans le #15, toujours dispo ICI.

Bastien_Duverdier_wallie

„JE NE POUVAIS PAS SAVOIR CE QUE ÇA ALLAIT DEVENIR !“

[highlight]E[/highlight]st-ce que finir en couverture du premier Thrasher France a été un faux départ pour ta carrière ?
Non, au contraire, ça a tout fait décoller ! J’ai eu les groupies, des appels dans tous les sens, ça n’arrêtait pas, j’ai même dû changer de ligne ! Non, sérieusement, ça n’a rien fait. J’avais seize ou dix sept ans, j’étais à peine sponsorisé… Il (Jérôme Kumolka, le photographe – NDLR) ne m’avait jamais parlé de Thrasher, il m’avait juste dit un jour qu’il avait une surprise pour moi et il m’a sorti le mag. Moi j’avais seize ans, y’avait marqué Thrasher en gros, c’était trop cool ! Bon, avec le recul je me rends compte que cette couv’ est complètement pourrie, mais sur le moment j’en savais rien, mets-toi à ma place ! Je ne pouvais pas savoir ce que ça allait devenir !

[highlight]E[/highlight]st-ce qu’on peut dire que tu as été skater pro ?
Oui, on peut dire que j’ai été skater pro pendant dix ans. Ça payait mon loyer et ça me faisait bouffer. Aujourd’hui c’est un peu plus ambigu avec ma guitare, je skate un peu moins, mais j’ai toujours mes contrats chez Element et Vans. Pile au moment où je suis entré dans le team Europe, je me suis fait mal au dos.

Bastien_Duverdier_laybackdisasterLayback disaster revert, Paris, mai 2016

[highlight]Q[/highlight]u’est-ce que tu as, au dos ?
On ne sait pas. Énigme. Un lumbago chronique. Dès que je porte un truc ou que je skate trop, j’ai mal. Du coup j’ai joué de la musique, vu que je ne pouvais pas skater, et au bout d’un an, Alex (Deron, team manager Element – NDLR) a proposé à Brian Gaberman que je joue lors de son expo à Berlin. Ça lui a plu et je pense que c’est à partir de là que ça a décollé. Que Gaberman ait aimé, je pense que ça a pas mal aidé…

[highlight]A[/highlight]ujourd’hui, tu vis plus du skate ou de la musique ?
Disons à 50-50. Au départ la musique c’était pour m’amuser et puis j’ai fait 30 concerts en l’espace d’un an sans vraiment chercher… Donc je me suis dit que peut-être il fallait que je m’accroche à ça, surtout que ça n’allait pas mieux avec mon dos… Alors je me suis dit pourquoi pas, que ce serait la première fois de ma vie que je ferais autre chose (que du skate – NDLR)… C’était un peu bizarre, mais je m’y suis mis sérieusement et puis aujourd’hui, je bosse avec ma nana qui m’aide sur plein de trucs, l’administratif, ou elle me trouve des dates… Et là, ça va vraiment bien !

„PUTAIN, L’OLYMPIA, C’EST PAS POSSIBLE !“

[highlight]C[/highlight]omment est-ce qu’on arrive à faire la première partie de Gregory Porter à l’Olympia ?
Par hasard ! J’ai fait une petite date et dans le public, il y avait une nana qui était dans la prod’ de Porter. C’était à St-Jean-de-Luz, l’été dernier, et c’était vraiment un concert raté ! La comm n’avait pas trop marché et je me suis retrouvé pratiquement qu’avec des potes, on était à peine quinze… Et dans ces gens-là, il y avait cette nana que je ne connaissais pas. C’est fou parce que c’était vraiment un concert de merde ! J’étais bourré et je faisais n’importe quoi ! (…) Après le concert on avait bu quelques verres ensemble, mais ça s’était arrêté là. Elle m’avait juste dit qu’elle bossait dans la musique et c’est la raison pour laquelle on avait discuté. Et un jour, elle appelle, et elle me dit :« J’ai une bonne nouvelle, je t’ai trouvé une date, accroche-toi bien : l’Olympia ! ». Je lui réponds : « cool, mais l’Olympia de quelle ville ? ». Parce que si c’était pour aller jouer à l’Olympia de Strasbourg, ça allait être compliqué de trouver le moyen d’y aller… Mais elle m’a dit que c’était l’Olympia de Paris ! Alors moi je l’ai remerciée sans vraiment réaliser, et j’ai raccroché. Et là, avec Marine, on s’est regardé en se disant « Putain, l’Olympia ! C’est pas possible ! ». Moi, je n’y étais jamais allé de ma vie ! Du coup je la rappelle et je lui demande « C’est bien l’Olympia de Paris ? T’es sûre ? » et elle me dit que oui, que son manager a confirmé pour la première partie de Gregory Porter. Je connaissais même pas… Et en regardant sur le net, je vois que c’est un gros poisson, lui ! J’appelle mon père, qui est batteur de jazz, il ne me croyait pas. Il venait juste de le voir à Biarritz, j’ai mis un quart d’heure à le convaincre que c’était pas une blague ! Il me disait : « c’est pas possible, Bastien, tu n’as pas la bouteille pour faire l’Olympia ! ». (…) Je n’ai jamais déplacé autant de gens que pour ce concert ! Toute ma famille est venue. (…) Les deux jours avant le concert, je croyais que je couvrais une gastro. Je ne pouvais pas manger, j’avais des nausées, mal au ventre… Ils avaient organisé un repas la veille, moi j’étais mal, je ne parlais à personne… Je n’ai jamais eu un trac pareil ! Et finalement, sur le moment, ça allait mieux. Mais je sentais que là, je jouais dans la cour des grands, que j’étais pas à ma place ! Et ce public-là, elle me l’a dit après, c’est un public de fans qui veulent voir leur idole, donc toi, tu dois les séduire encore plus parce qu’ils sont en attente de le voir, donc ce n’est pas évident. Heureusement, ça, elle me l’a dit après, sinon j’aurais crevé !

Bastien_Duverdier_grindPush to grind & into the bank, mai 2016

[highlight]E[/highlight]st-ce qu’on peut dire que le skate a été un tremplin pour ta musique ?
Oui, on peut dire ça, mais je ne veux pas devenir comme un peu Ray Barbee ou un Tommy Guerrero qui ont leur niche dans le skate. Bon, je n’ai pas leur statut, je ne suis pas une légende du skate… Mais eux en jouent beaucoup, et moi je voudrais jouer pour tout le monde, surtout que ma musique plaît à un public hyper large, aussi bien des vieux que des jeunes. (…) Mais bon, le fait que Gaberman ait apprécié, je pense que ça a beaucoup joué, qu’il soit Américain et que je fasse de la musique inspirée du blues américain… Avec mon accent français ! Je n’essaye surtout pas d’avoir un accent américain, au contraire… Il faut assumer qui on est !

Entretien réalisé à Bayonne en novembre 2015