5 QUESTIONS : CÉDRIC „PATATE“ CROUZY

Patate, c’est pour „sac à patates“. Parce qu’il paraît que lorsqu’il tombe, ça fait à peu près le même effet qu’un sac à patates. A part ça, Cédric n’est pas le genre de type à rester dans son canapé en regardant la Street League, mais plutôt le genre à aller mettre un coup de pied dans la fourmillière quand ça ne fourmille pas assez, à s’exprimer quand il y a des choses à dire et à faire tourner la bétonneuse quand il faut que ça avance.

PatatePPhoto : Mathis Deglon

[highlight]1_[/highlight]Ton film est en ligne mais il semblerait que tu aies encore des choses à dire à ce sujet…
J’ai toujours des choses à dire ! Hé hé ! Je pourrais épiloguer un long moment mais moi le premier, sur un écran d’ordi, si un texte est trop long, je le lis pas donc je vais m’abstenir de faire de la „skate-philosophie“ ici. Sans prétention aucune, ce film mérite d’être diffusé le plus largement possible. Sur le fond, il donne à voir et à ressentir un aspect du skate qui est trop peu souligné dans les vidéos d’aujourd’hui. Et même si il y a de plus en plus de documentaires qui se font sur les différents facettes de la planche à roulettes (ce qui est super !), ça reste épisodique. Donc j’essaye de faire la promo de celui-ci afin de toucher un maximum de personnes.

[highlight]2_[/highlight]Tu m’avais montré le film il y a deux ans. Pourquoi avoir attendu autant de temps pour le mettre en ligne ?
Ça a pris du temps pour les „avants premières“ … La première fois qu’on a diffusé le film c’était lors d’un évènement à Nîmes en 2012 avec contest sur une bagnole, expo dans une galerie, projection dans un garage et soirée dans une cave ! Ensuite j’avais prévu d’essayer de le faire tourner dans des „villes clés“. Greg Poissonnier m’avait trouvé un plan à Soorts Hossegor au shop Hermosa, où j’avais également installé l’expo. Puis il y a eu 2 projections, toujours accompagné de l’expo à Bordeaux : chez Riot skateshop et au hangar Darwin. À Lyon, j’ai demandé à des connaissances, mais ils n’avaient pas trop d’idées de lieux… et Paris j’avais un plan grâce à… ben toi ! Ton pote qui a un bar pas loin de chez toi ! Je devais venir repérer le lieux, le gars était chaud, mais je crois que c’était un peu petit et puis j’avais laissé tombé… Je me suis re-motivé lors du Vans Downtown Showdown ! Vu que je venais à Paris j’ai essayé de trouver un lieu en catastrophe pour le dimanche soir ; j’ai failli avoir une salle de cinéma dans un squat’ mais le plan est tombé à l’eau… Bref voila pour les avant-premières…
Concernant la mise en ligne, j’arrivais pas à me décider. Ça m’aurait fait chier que le truc soit lancé direct sur le net et oublié aussitôt, comme les 3/4 des vidéos en ligne… Donc je voulais qu’il reste une trace, que les gens puissent retomber dessus par hasard plus tard. Graver sur CD et distribuer ça m’aurait couté trop cher. Donc dans un numéro papier de Soma on avait mis un lien pour pouvoir télécharger le docu. C’était nickel sauf qu’à un moment j’ai pas payé l’hébergement de mon site et tout a été effacé… Alors je me suis résigné à le sortir en ligne. Ça devait se faire avec Live Skateboard Media qui souhaitait soutenir le truc depuis un moment sauf que ça trainé en longueur. Ils ne se décidaient pas, donc je leur ai dit que j’allais faire autrement. J’ai écrit à Kingpin, mais pas de réponse. Pourtant j’avais fait les sous-titres anglais… Au final après avoir tapiné chez ses copines, je suis revenu comme une salope demander à Soma s’ils voulaient le diffuser en ligne. Ils ont accepté et ça me fait super plaisir. C’est un juste retour des choses au final.

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[highlight]3_[/highlight]Est-ce que tu sais si des gens hors skate plus ou moins importants (la mairie par ex.) ont vu le film, et s’ils l’ont vu, quelles réactions ont-ils eu ?
La mairie, je ne crois pas… Pas à ma connaissance en tout cas. Mais on m’avait invité lors d’une biennale „image et patrimoine“ sur le thème : la ville générique. J’avais donc projeté le film et fait une petite conférence. C’était très cool, et à la fin, un urbaniste était venu me féliciter. Le docu l’avait beaucoup touché et fait réfléchir. Il pensait m’inviter pour un congrès d’urbaniste vers chez lui mais il m’a dit que ça prendrait du temps puisque l’évènement était dans un an etc. Bref. En tout cas j’étais super fier d’être parvenu à toucher une personne de ce milieu pour l’amener à „réfléchir“ l’espace urbain de demain d’une manière différente ! C’était d’ailleurs une de mes volontés : aller démarcher des écoles d’architectes et d’urbanistes pour sensibiliser les futurs professionnels. Faute de temps et de volonté je ne l’ai pas (encore) fait.

[highlight]4_[/highlight]Mais si les architectes commencent à prendre en compte le skate, celui-ci ne risque-t’il pas de perdre de sa vocation à justement, skater des choses pas faites pour ?
Disons que c’est contradictoire. Comme toutes choses dans la vie. A partir du moment où ce sera vraiment accepté en ville, ces „choses“ (mobilier urbain et autres) seront considérées comme étant aussi faites pour le skate ! Cela voudra dire que les mentalités auront grandement évolué et que le skate sera considéré comme quelque chose d’acquis dans la conscience collective. D’ici à ce que l’on y arrive, si des architectes et urbanistes prennent déjà en compte le facteur „skate“, ils peuvent par exemple faire comprendre à des collectivités qu’il est préférable de mettre un banc avec tel matériau pour qu’il résiste au passage des skaters plutôt qu’un autre qui s’abimera et qu’ils voudraient absolument préserver en interdisant la pratique de la planche à roulette à coup d’anti-skate et autres. Mais au-delà de skater des choses pas faites pour, le skate est sauvage dans la ville : il ne se soucie pas des pistes cyclables, des sens interdits, etc. À ce niveau-là il restera toujours subversif et déstabilisera toujours l’ordre pré-établi dans le milieu urbain. Ça ne veut pas dire que l’on souhaite être rebelle seulement pour faire chier son monde, mais pour signifier le non sens de vivre les uns sur les autres dans ces amas de béton. Après, à la campagne tout n’est pas rose non plus ! C’est jamais tout blanc ou tout noir la vie… Le Yin et le Yang : la dualité vue sous la forme de la complémentarité. Putain, j’vais t’faire péter des spots Feng Shui moi, tu vas voir !

Patate_KGCrooked grind. Photo : Mathis Deglon

[highlight]5_[/highlight]Comment est la scène, à Nîmes, en ce moment ? Est-ce que le nouveau bowl a changé les choses ?
Je ne vais pas être objectif puisque ce que j’aime avant tout c’est skater dans la rue accompagné de tout ce qui la compose. Le nouveau bowl est génial et du coup on a des petits jeunes qui commencent à bien envoyer ! Et faut avouer que ça fait super plaisir de pouvoir tâter un peu de la courbe. Mais un skatepark a pour effet de vider la ville de ces skaters (c’était le but de la mairie : offrir aux skaters ce qu’ils veulent sans porter préjudice aux autres citoyens). À présent, la plupart des choisissent donc la facilité en allant au skatepark. Les prises de têtes avec les riverains et les risques d’amendes, ils n’en veulent plus. L’asso de skate locale doit organiser ses évènements là-bas aussi. J’ai un bon exemple qui illustre ça : pour l’Expo de OUF ! 2 j’avais rencontré le service jeunesse pour faire un event avec module en béton éphémère sur une place publique qui va prochainement se faire défoncer pour travaux. C’était l’occasion ou jamais. Ils me donnent un accord de principe avec un petit budget et tout et tout… Puis : véto du cabinet du maire, il n’y aura plus jamais d’autorisation pour faire un évènement skate dans le centre ville maintenant qu’il y a un skatepark ! (Du coup je vais sûrement le faire mais en mode pirate.) Donc oui, le bowl a changé les choses. Elles évoluent diront nous : il y a eu l’organisation d’une étape des championnats du monde cet été, et c’était très cool ! Au niveau de la scène, ça continue mine de rien à explorer la ville. Il y a eu pas mal de travaux à Nîmes qui ont fait pousser pleins de petit Spots et il y en a d’autres qui vont éclorent avec les nouveaux travaux pour le Tram’bus cette année ! Puis il y a des petites avants premières de vidéo, des expos en rapport avec l’univers skate, des concerts pour après les sessions etc. C’est la Californimes !

Entretien réalisé par mail la semaine du 15 janvier. Cédric remercie Charles de Roy, Mathis Deglon et Romain Bonne pour les images de ce documentaire, Raphael Zarka pour les paroles de sage et la confiance, Etnies et Unlimited skateshop pour le soutien matériel, et Soma et A Propos pour l’aide à la diffusion !