5 QUESTIONS : SEB CARAYOL

Seb est le seul vrai journaliste que je connais qui travaille dans le skate puisqu’il peut aussi bien être publié dans les mag’ de skate que dans Libé ou L’Equipe Mag‘. Même que parfois, ça ne parle même pas de skate… C’est aussi le seul type capable de défendre un truc indéfendable : le ragga (ou le reggae) dans une vidéo. Un dingue, j’vous dis, tellement dingue qu’il en est arrivé à écrire des bouquins. Bon, pas des romans que personne ne lit mais des bouquins avec des images qui ont marqué le skate, comme l’histoire de FTC, le shop mythique de San Francisco, qui vient de sortir.

sebcarayol

[highlight]1_[/highlight]Que signifie vraiment FTC ? Est-ce qu’à un moment ou à un autre, ça a voulu dire « Fuck the cops » ?
Dans l’imaginaire collectif, ça signifiait aussi parfois « Fuck The Cops » et c’est ce qui est génial, puisqu’à la base c’est bien plus prosaïque : ça voulait dire depuis les années 60 « Free Trade Center », la boîte de distribution de ski et de tennis lancée par le père du boss actuel Kent Uyehara. Au fil du temps tout le monde l’a fait à sa sauce. Certaines personnes disaient que ça voulait dire «Felix The Cat», ou des trucs plus politiquement incorrects, genre « Fob Toy Company » (« Fob » c’est pour « Fresh Off The Boat », terme péjoratif pour les nouveaux immigrants). Mais c’était drôle car justement tous les skaters de FTC étaient issus de minorités, et les quenelles n’existaient alors que dans les boîtes de conserve « Petit Jean ». Ah aussi, le rappeur Del Tha Funkee Homosapiens interviewé dans le livre (il a dessiné la pochette de la première vidéo FTC) imagine que ça signifie « Fresh Trees Cooperated », mais il en fume pas mal, des trees.

[highlight]2_[/highlight]Pourquoi un bouquin sur FTC, et pas Street Machine, par exemple ?
Pourquoi pas un jour Street Machine au fait ? Sérieux ! Non, bon, là FTC c’est parce que pour moi ça transcendait le simple skateshop, même culte : FTC a « inventé » quelque chose, du moins a relayé ces inventions du skate des années 90 : SF, l’EMB, les lines, Mike Carroll, la connexion avec le street new-yorkais, ou des vidéos avec de la soul qui allaient préfigurer Girl, par exemple. Sans parler d’une dimension vraiment unique de centre social style MJC de tiéquar tu’ois, mais version skate. Tout ça fait qu’on se retrouve avec quasiment un récit des années 90 dans le skateboard, mais avec ce fil rouge du skateshop mythique FTC.

FTCbookXL

[highlight]3_[/highlight]À l’heure où les magazines (de skate) disparaissent peu à peu, les bouquins sont-ils les derniers remparts où tu peux encore t’exprimer objectivement ?
Depuis quand les magazines de skate, sauf Big Brother et, allez, Freestyler, se sont exprimés objectivement en disant vraiment ce qu’ils veulent ? Oh, les annonceurs ne vont pas aimer… Et puis le moindre article sur le moindre tour de skate, à quel moment c’est objectif ? Tu te fais payer par une marque en échange de pub gratos sur x pages. Bref… Dans une industrie comme celle du skate (qu’on essaie de vendre comme « pas une industrie »), le débat n’est pas sur l’objectivité du tout, non. Ce que le bouquin permet, c’est d’avoir une place quasi-illimitée pour rentrer dans les détails, développer les anecdotes etc, qui sont je pense ce que les lecteurs viennent chercher dans un livre comme celui de FTC. Tu peux savoir comment James Kelch a eu sa première board gratos après une baston dans un bus contre un gang asiatique, par exemple ! Ça ne va pas chercher beaucoup plus loin le skateboard, et c’est très bien ainsi.

[highlight]4_[/highlight]Maintenant que Skateboarder n’existe plus, où peut-on lire tes chroniques ?
Bonne question ! Je dois 8956 articles environ à The Skateboard Mag et je fais des interviews musique pour Thrasher à l’occase mais là ces jours-ci je me concentre sur mes deux autres bouquins qui arrivent bientôt, et puis en fait comme j’ai plein de boulot hors skate j’y vais mollo. Le but ultime serait bien-sûr de faire de l’enquête d’investigation ou du reportage de guerre pour À Propos mais il faut que je renforce mon CV !

Books

[highlight]5_[/highlight]Quels sont ces bouquins, et quand est-ce que ça sort ?
En mars /avril. Le premier est une anthologie en 100 boards des graphiques les plus provocants dans le skate depuis le début des années 90, avec l’histoire de chacune des boards (« Agents Provocateurs : 100 provocative board graphics » chez Gingko Press). Celui-là il va faire débat car j’ai essayé de limiter le plus possible les classiques de Marc McKee/Sean Cliver pour aller chercher des trucs Illuminati, AD Unit, Polar, des petites marques comme Roots etc. J’entends déjà les « mais pourquoi il n’y a pas telle board, c’est n’importe quoi ! » scandalisés et je m’en délecte d’avance ! L’autre bouquin, c’est le 3e de la collection des « Seen/Unknown », les petits formats qui avaient sorti celui sur Marc McKee et Todd Bratrud. Ce troisième donc me tenait beaucoup à coeur : Todd Francis ! Responsable de tous les bons trucs de chez Stereo, Anti Hero, Real etc, c’est aussi à cause de lui que tant de jeunes foufous ont l’aigle Anti Hero tatoué un peu partout… merci, le mec !

 Interview réalisée par mail en janvier 2014 et publiée dans A PROPOS #7 en mars 2014.