5 QUESTIONS : VINCENT BOYOM

Il fut un temps où lorsque je voyais son nom s’afficher sur mon téléphone, j’évitais de répondre. C’était pas super cool, mais il était vite devenu envahissant… Mais cette époque est révolue, ses coups de fils se sont espacés et c’est avec plaisir aujourd’hui que je décroche quand il m’appelle. Car Vince fait partie des gens qui savent écouter aussi bien que parler. Et ça, c’est pas donné à tout le monde.

vincentboyom_par_lenoursPhoto : Thibault Le Nours

„IL M’EST ARRIVÉ QU’ON ME FASSE COMPRENDRE QUE LE SKATE, C’ÉTAIT UN TRUC DE BLANC“

[highlight]T[/highlight]u me disais l’autre jour que tu avais un peu subi le racisme en Afrique…
Je suis allé au Cameroun avec ma board et il m’est arrivé une ou deux fois pendant mon séjour, en me baladant dans la rue, qu’on me fasse comprendre que le skate, c’était un truc de blanc. Des nanas me demandaient pourquoi je ne faisais pas plutôt du foot pour essayer de gagner de l’argent… Et moi je leur disais qu’on pouvait aussi gagner de l’argent avec le skate ! Enfin, pas d’amalgame, pas que j’en bénéficie, mais pour eux, c’est encore difficile à imaginer… Donc là, j’avais senti un décalage… A part ça, même si le racisme est peu présent dans le skate, je trouve qu’il peut être un peu hypocrite parfois. J’en parlais il y a quelques jours avec un pote qui me disait que Chocolate, par exemple, avait été créé pour pouvoir avoir plus de blacks, d’hispaniques dans un même team et laisser Girl en tant que Team A, grande soeur ou ce qu’on veut, mais ce qui n’est pas totalement faux…

[highlight]Ç[/highlight]a n’existe pas du tout, le skate au Cameroun ?
J’ai vu une board dans un magasin, et c’est le seul signe que j’ai pu voir… Ah si, j’ai vu des faux t-shirts Blind et Spitfire ! Dans les deux villes où je suis allé, Douala et Yaoundé, certains de mes cousins m’avaient vu faire du skate, donc je leur avais apporté des magazines, des boards, montré des vidéos de Boris (Proust) et expliqué que lui, c’était un blanc qui venait d’Afrique, qui était né là-bas ! Ça leur paraissait difficile à croire, mais il étaient curieux…

vincentb_wallridenollieWallride nollie

[highlight]E[/highlight]t en France, est-ce qu’il arrive que tu subisses le fait d’être noir ?
Pas vraiment, juste des réflexions… Ce que je fais, par exemple quand on se fait virer d’un spot, c’est de montrer que quelqu’un comme moi, un skater, noir, soit capable de parler avec des mots soutenus. Ça surprend toujours… À l’époque, il m’arrivait de skater avec Abdou (Abdoulaye M’Baye) et sans qu’on y pense, il se trouvait qu’on était deux blacks, qu’on se fasse virer de spots et qu’on nous fasse des sous-entendus…

„JE SAIS QUE PLEIN DE GENS PENSAIENT DES TRUCS“

[highlight]L[/highlight]es premières fois où je t’ai croisé, je t’ai pris pour un fou avec tous tes stickers Matix et tes stickers Lakai sur ta board… C’était un délire ou t’étais vraiment sponso ?
Non, c’était pas un délire, c’est juste qu’un certain « homme de grande taille » m’envoyait des shoes, grâce à Cyril du shop Five-O qui était proche de lui… Une ou deux fois, Cyril avait gratté des shoes pour moi et puis ensuite ça venait directement de lui. Mais c’est vrai que j’étais un gamin, je devais avoir 16 ans, je n’avais jamais fait de paru de ma vie et je me sentais bien illégitime… Après, je n’ai pas à me justifier, même si je sais que plein de gens pensaient des trucs, sans jamais m’en parler directement… Avec le recul, c’est aussi possible que je me sois mal exprimé, mais ce qui est indéniable, c’est que je faisais beaucoup de skate…

[highlight]T[/highlight]u as bien changé, quand-même, aujourd’hui tu es beaucoup plus connecté, plus ouvert que plein de gens même…
Quand j’ai commencé à bouger un peu, à Montpellier, je trainais avec des mecs qui étaient déjà bien en place comme les Mofos qui m’ont fait des misères ! Boris, Alexis Greusard, Anthony Buisson et moi, on était comme leurs petits protégés, ils nous emmenaient sur les spots… Surtout que Montpellier, c’est dur ! Ils m’ont fait pleurer, les salauds !

vincentb_crookedtgSlappy crooked grind tailgrab

[highlight]C[/highlight]’est comment Montpellier, aujourd’hui ?
Enormément de spots sont morts, et le peu de chill-spots qu’on avait ont disparu. Il reste des trucs, mais on n’a plus aucun spot de curb… Ceux de Richter sont dans un sale état, et on se fait de plus en plus virer… À plus de trois personnes, c’est l’enfer ! Malgré tout, je suis toujours le premier surpris quand je redescend car il y a des nouvelles têtes, et on a fini par retrouver notre unique chill spot après deux ans de travaux (Albert 1er) et les alentours de Peyrou, grâce à la nouvelle ligne de tram, ont vu naître une quantité incroyable de spots, et puis Popular continue de dynamiser la scène. Il nous manquerait juste un skatepark digne de ce nom pour nous procurer un zeste de skatelife !

Vincent en vidéo, c’est ICI.