A PROPOS DE CHARLIE

Il y a une semaine, Charlie Hebdo n’était qu’un journal comme pas mal d’autres en ces temps compliqués pour la presse : au bord du gouffre financièrement. Si les deux frangins avaient été un peu plus malins et avaient attendu quelques mois de plus, il est fort possible que Charlie se soit éteint tout seul, ce qui leur aurait évité pas mal d’embrouilles…

CH1175--Le n°1175, paru le 24 décembre 2014, qui affichait ouvertement ses difficultés financières

Il aura fallu que la rédaction soit massacrée pour que l’on réalise l’importance de ce journal et que les dons affluent par milliers, voire par millions… Charlie passe donc d’un tirage de 60 000 exemplaires (qui ne signifie pas autant de ventes, car tous les journaux payants ont un très grand nombre d’invendus, pouvant parfois aller jusqu’aux deux-tiers) à 3 millions d’exemplaires, au moins pour ce numéro, soit cinquante fois plus, et il est fort possible qu’il soient tous vendus.

De ça, on peut tirer deux choses positives.

La première est que tout ça démontre que la presse papier a encore sa place parmi les médias. Là où la télévision et les réseaux sociaux nous montrent tout un tas de choses qu’on n’a même pas besoin de voir, bien souvent en direct (ou en léger différé), les journaux comme Charlie Hebdo prennent le temps d’analyser les faits. J’ai moi-même cédé à la tentation de publier un article très vite mercredi dernier, que j’assume, mais qui aurait été différent si j’avais attendu quelques heures ou jours pour réagir… Et à la différence des articles publiés sur le net, une fois imprimés et diffusés, ils sont indélébiles.

La deuxième est que ces 3 millions d’exemplaires affuteront certainement le second degré de tout le monde, même si ce numéro ne fera pas forcément rire tout le monde. Le second degré, le troisième et tous les autres, c’est l’idée de ne pas prendre les choses au pied de la lettre. Avoir du second degré, c’est savoir lire entre les lignes et pouvoir rire de choses pas forcément drôles. C’est pas donné à tout le monde d’en avoir, mais le skate baigne là-dedans depuis un bon moment et j’ai bon espoir que la plupart des skaters savent faire la part des choses. Le problème, comme disait Desproges, c’est qu’ « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Pourtant, je suis sûr qu’après ces 3 millions de Charlie, on pourra rire de tout avec un peu plus de monde qu’avant._