J’ai toujours pensé que la finale de la coupe du monde de foot était le meilleur moment pour aller skater des spots inaccessibles en temps normal. Ou juste skater des spots déserts pendant que tout le monde s’agite devant la télé. Alors cet été, quelques semaines avant la finale, j’ai demandé à une vingtaine de photographes d’aller faire une photo le 12 juillet, pendant le match, entre 21h et 23h.
Ce n’est pas sans une certaine excitation que j’avais envoyé ce mail, certain d’avoir eu l’idée de l’année. Je m’étais dit que sur la vingtaine, il y en aurait bien 5 qui joueraient le jeu, au mieux une dizaine. Instantanément, certains m’avaient répondu en me disant qu’ils allaient voir ce qu’ils pourraient faire ou pas. Clément Le Gall, par exemple, m’avait répondu de suite et sans aucun embarras qu’il aimait trop le foot pour rater la finale. J’avais apprécié sa franchise malgré tout, et je restais confiant.
Le spot où j’avais bien l’intention de remplir ma mission.
Le jour de la finale, je suis à Berlin comme la moitié des skaters européens, réunis à l’occasion du Bright Tradeshow. Par contre, l’Allemagne est en finale et la tension est palpable (c’est un effet de style, y’a rien à palper en fait) surtout chez les skaters Allemands évidemment. Valeri Rosomako, qui dans un premier temps est enthousiaste décide finalement d’aller se bourrer la gueule avec les autres au Franken (le bar des skaters). Le traitre.
Mais j’y crois, autant que les Allemands croient en la victoire. Vu le nombre de skaters en ville ce jour-là, je suis certain de trouver quelqu’un de motivé pour aller faire une photo pendant la première mi-temps et lui laisser le temps d’aller voir l’autre ensuite. Tel est mon plan, jusqu’à ce qu’il commence à pleuvoir. Mais je garde espoir en me disant que c’est juste un orage.
Jérôme Jean-Philippe, wallie à Paris le 13/07/2014 pendant la finale de la coup du monde de foot. Photo : Michel Malboro
La pluie se termine au moment du coup d’envoi. Tout le monde s’est réfugié dans un bar, et moi, je me retrouve tout seul, trempé, avec mon sac photo. C’est à ce moment-là que je tombe sur Oli Buergin, qui part chercher Albert Nyberg à l’aéroport. Je saisis ma chance et je monte dans le van avec lui.
Le temps qu’Albert récupère ses bagages, il est environ 21:30. Avant même que j’ai le temps de lui expliquer le concept et l’urgence de la situation, il nous demande le score du match et où est-ce qu’on a l’intention d’aller se taper la deuxième mi-temps. Même s’il s’est arrêté de pleuvoir, la nuit tombe et ça commence franchement à sentir la défaite.
Kerry, local du Franken, no foot juste après le coup de sifflet final. Photo : Alex Pires
Vu que je suis l’instigateur de cette mission, je me suis donné pour devoir de l’accomplir. J’ai eu une putain d’idée de génie, je ne peux pas abandonner. Plutôt mourir (ou aller au bar rejoindre les autres).
De retour de l’aéroport, je tombe sur Axel Cruysberghs qui visiblement n’est pas vraiment intéressé par le match. Bingo ! Par contre, le seul spot couvert à trois kilomètres à la ronde est un set de 12 marches. Il fait nuit noire et Axel part en tour demain. Tout le monde s’est déjà enquillé quelques pintes et visiblement, l’Allemagne a toutes les chances de l’emporter. La nuit risque d’être longue. Je crois que j’ai grillé ma dernière cartouche. Je capitule. Les éléments se sont liés contre moi. Dieu préfère le foot. L’enfoiré.
Thomas Prochaska, bluntslide sur ‚mon‘ spot, pendant que j’étais au bar. Photo : Andi Speck
Et je m’incline devant Michel Malboro, Andi Speck et Alex Pires qui ont réussi. Vengeance dans 4 ans !