L’équipe de Gone, le mag sur la scène lyonnaise, vient d’annoncer qu’elle n’irait pas plus loin dans l’aventure. Pour en savoir plus, j’ai passé un coup de fil à Loïc Benoit (#cegroscochondelb) qui signait l’édito et une grosse partie des photos.
„NOUS, ON N’EST PAS DES VENDEURS DE PUB“
Qu’est-ce qui a décidé l’arrêt du mag ?
Loïc Benoit : D’abord, la trésorerie. On a fait une production de t-shirts qui nous a foutu dedans, et même si le gros du budget pub arrivait en début d’année, quand on a essayé d’en revendre (des pubs-NDLR) à la rentrée, on n’a même pas eu de réponse aux mails… Nous, on n’est pas des vendeurs de pub, c’est vraiment un truc chiant à faire, si encore on gagnait de l’argent avec ça… Et puis il y a la réalité géographique. Le mag a été créé pour aider Pierre (Dutilleux) et Fabi (Fabien Ponséro), leur donner de la crédibilité, commencer à être plus pros en photo… Mais Pierre est devenu restaurateur à la montagne et Fabi est parti à Barcelone. Donc il ne restait plus que moi pour les photos, et Marley (Gregory Laufersweiler) à la mise en page, alors on s’éloignait de l’idée de départ. Et puis Marley est bien occupé avec son boulot de graphiste chez Blaze et aussi en indépendant… J’adore Marley, hein, mais c’est beaucoup plus dur financièrement en ce moment pour nous deux, en tant qu’indépendants on a besoin de bosser pour gagner de l’argent… (…) Mais surtout, je voyais un compte en banque où il restait des sous, et puis j’ai constaté récemment qu’il y avait 22 euros de frais mensuels de tenue de compte et un service internet à 12 euros qu’on a jamais utilisé… Avant je ne faisais pas gaffe mais là, comme il ne se passe plus rien sur le compte, j’ai vu qu’on sortait 34 euros pour rien tous les mois. Là, en 3 mois, il y a 100 euros qui sont partis pour rien… Donc j’ai un peu pété les plombs, je déteste nourrir le système bancaire ! Et puis on n’a pas réussi à remettre le site internet en route… Bref, tout ça a fait qu’il fallait prendre une décision. Le status quo n’est vraiment pas ma tasse de thé…
Combien de numéros sont sortis et est-ce que tu trouves qu’il y en a eu un meilleur que les autres ?
LB : On a fait douze numéros, et il faut savoir que le treizième est quasiment bouclé, dans l’ordinateur de Marley… Peut-être qu’on le mettra en ligne, il manque juste les textes. Dur à dire lequel a été meilleur que les autres… Les numéros 5 et 10 étaient des « spécial photo », sans texte, et j’avais bien aimé ces numéros. Pour le numero 10 les photographes avaient carte blanche, les rubriques sautaient, et certains montraient autre chose que du skate. Forcément, moi j’avais calé des photos de gambettes…
Tu crois que le fait que le mag s’arrête va en réjouir certains ?
LB : Je ne pense pas… Mais c’est con, parce que ça fait toujours un truc en moins à lire sur les chiottes ! Enfin, surtout à regarder…
Le #5. Un trick, deux angles, deux couvertures (devant et dérrière).
Est-ce que vous aviez des détracteurs, ou est-ce qu’il est arrivé qu’on conteste certains choix éditoriaux ?
LB : Non. Au début il y a eu des sales histoires de merde comme il y a toujours eu à Lyon quand tu décides de te bouger le cul, mais j’en dirai pas plus… Mais non, pas vraiment. Des proches m’ont parfois dit que je n’y étais pas allé avec le dos de la cuillère dans l’édito, mais personne n’a jamais contesté nos choix. Et je tiens à dire qu’on a jamais eu de pression d’une quelconque marque. Au contraire, on a même renversé le truc : je ne me suis pas gêné pour dire à une marque « voilà on fait cet article sur vous, si vous avez un billet… », comme pour une tournée Element avec des super photos de Fred Mortagne et Clément Chouleur, qui nous avaient pris une page de pub, d’ailleurs.
Est-ce que le fait d’avoir toi-même participé à la réalisation d’un magazine t’a fait prendre conscience de certains choix que les magazines font parfois, et qui ne vous pas toujours dans le sens des photographes ?
LB : Non. On faisait gaffe à ce que tout le monde soit logé à la même enseigne. Au début, on s’était imposé une règle qu’on n’a pas pu suivre : lorsqu’on mettait un gars en photo dans le mag, il fallait attendre deux numéros pour qu’on repasse une photo de lui. Mais c’était pas possible… (…) Après, on ne recevait pas des tonnes de photos, donc les choix n’étaient pas trop difficiles à faire.
Est-ce que, comme la plupart des magazines, il vous est arrivé de mentir sur votre tirage ?
LB : Jamais. Tu parles, pour 2000 exemplaires !
„ON AURAIT PU ESSAYER DE FAIRE UN TRUC VIABLE“
Comment se passait la distribution ?
LB : Environ 80% s’écoulait sur Lyon, et puis Antiz s’occupait d’envoyer le reste dans la région. Mais on ne peut pas dire qu’on était les rois de la distribution. Quand je recevais un mail d’un shop qui le réclamait, je leur disais de venir le chercher ! (…) Pour les 10 premiers numéros, je taxais une voiture et j’allais à l’imprimerie à St Etienne chercher les cartons. Et puis les 5 ou 6 derniers numéros, on le faisait livrer chez Wall Street. Là je passais en scooter avec mes sacs Carrefour, je chargeais la mule de tous les côtés et en une après-midi je distribuais dans tout ce qui était plus ou moins « street culture », parce qu’il n’y a plus beaucoup de skateshops, à Lyon.
Est-ce que tu penses que vous avez idéalisé l’idée de faire un mag, peut-être en négligeant certains aspects, comme la distribution ?
LB : Je pense qu’on aurait pu essayer de faire un truc viable, de faire les chiens-loups pour vendre plus de pub par exemple, mais c’était notre choix, c’est plus par rapport à des gens comme Mortagne qui nous filaient des photos à chaque numéro qu’on aurait pu faire mieux, mais on faisait ce qu’on pouvait…
Qu’est-ce que tu retiendras de cette expérience ?
LB : Que des bonnes choses… Mais peut-être qu’on fait juste une pause et que dans un an, avec Marley on va se dire qu’il faut qu’on en refasse un. Je n’enterre pas le truc, si ça se trouve, dans 6 mois deux jeunes photographes vont venir s’installer à Lyon et relancer le truc. Je ne filerai pas le bébé à n’importe qui mais s’il y a des gens qui se sentent de reprendre le truc, qu’ils sachent que le nom n’appartient à personne. Le compte en banque est fermé, mais l’association existe toujours ! Et longue vie à la presse papier…
Entretien réalisé par Skype le 23 novembre 2015.