A PROPOS DE ZINES : CURE

Les „fanzines“ ont toujours existé dans le skate en France, mais il semblerait qu’il y ait un renouveau, notamment depuis les différents confinements. Etat des lieux avec CURE, après Hometown, Magdezine et Ob’Session...

„FAIRE QUELQUE CHOSE QUI ME RESSEMBLAIT ME PARAISSAIT PLUS INTERESSANT QUE JUSTE ENVOYER DES JPEG À DES MAGAZINES“

Combien êtes-vous à bosser sur le zine ?
Félix Picaud : On est deux. Je fais tout ce qui est photo et je gère les contributions, et Emma Kaidi (skateuse émérite des Lilas actuellement blessée depuis beaucoup trop longtemps) gère la mise en page et m’aide à trier le contenu. Sur le premier numéro on était aidé par Sixtine Philippe (amie artiste plasticienne, sérigraphe et typographe) qui s’est occupée du logo et de la mise en page avec Emma.

Comment est née l’idée et combien de temps ça a pris pour que ça sorte ?
À la base c’est venu parce que j’étais un peu intimidé à l’idée d’envoyer des photos à des magazines déjà implantés mais j’avais quand même envie de montrer ce que je faisais. Au final, faire quelque chose qui me ressemblait me paraissait plus intéressant que juste envoyer des jpeg par mail à des magazines. Ça a pris je pense six bons mois entre le moment ou j’ai réellement formulé l’envie de faire quelque chose et la réception des prints. Mais les filles m’ont rejoint et le concret a vraiment commencé deux mois avant la sortie.

Quand est sorti le premier ?
En décembre 2020.

Peut-on dire que c’est un peu à cause du confinement, ou grâce à ça, que le mag a vu le jour ?
Indirectement oui, totalement même. En fait, ça vient de la période du premier déconfinement. Avant je bossais dans un parc d’attraction (le Jardin d’Acclimatation) avec mon pote Robb (Robbgikma célèbre beatmaker AKA Alexandre Robert). Avant le confinement, on skatait de manière sporadique porte Maillot et au Dôme après le taff. A la fin du confinement on était encore en chômage partiel, le parc étant la chose la moins essentielle on était dans les derniers à retourner au taff et du coup on avait rien d’autre à faire que traîner sur les spots d’abord au Dôme et puis on a rencontré Carlita (Calero), Phoebe (Todd) et les brésiliens de Répu (Max kabir, Santiago Valduga, Anselmo Mezzomo, etc.) et ainsi de suite. Au final c’était un peu un âge d’or, tout le monde était dehors, tout le monde était déter, il y avait beaucoup de skate et de fête. Je me suis retrouvé avec beaucoup de photos mais un peu trop à l’arrache et puis le 2eme confinement est arrivé et là avec les fausses attestations et le chômage partiel qui revenaient c’était festival, j’ai coffré pas mal de trucs plus aboutis et le premier mag est sorti de là.

Quelles ont été les plus grosses difficultés ?
Sur le premier pas vraiment de difficultés à part peut-être trouver un imprimeur et encore. Mais le deuxième je me suis dis naïvement que ce serait intéressant de mettre en avant plus de gens et au final courir après les gens fait perdre beaucoup de temps et d’énergie.

Felix, Benchmark Fest 2022. Photo : Thibault Le Nours

Des gens avec qui tu voulais faire des photos ?
Non les gens à prendre en photo c’est assez facile à trouver je parle plus de contributeurs (graphistes, illustrateurs ou photographes) qu’il faut relancer…

On est en 2023, à peu près tout se passe sur les réseaux sociaux, pourquoi faire un zine sur papier alors que ça ne coûte rien sur le net ?
C’est gratuit en ligne ? Plus sérieusement on a un Insta qui est vaguement actif on y a fait de la promo pour des vidéos et évènements de potes et des gens dont j’apprécie le travail mais le coeur du sujet c’est la photo et donc le meilleur support c’est le papier. Un site-galerie aurait été intéressant mais je ne sais pas faire et ça se serait sûrement noyé dans la masse.

T’aurais pas envie de faire plus de contenu écrit ? Raconter des histoires, des expériences, des interviews…
Non, pas vraiment l’écrit c’est pas ce qui m’attire. D’autres le font et très bien, autant aller les lire eux.

Est-il prévu de le mettre aussi en ligne ?
Alors, pourquoi pas, le seul problème c’est que j’ai perdu les fichiers sources et le pdf d’impression, du coup, bah, pas possible et c’est pas grave autant que ça reste non virtuel.

Quel est le tirage et comment est financé le zine ?
Le premier était tiré à 100 exemplaires tous partis et le deuxième 150. C’est principalement financé de ma poche on a eu quelques annonceurs Brillance (RIP) dans le premier et Berezina et Hextra dans le deuxième, gros bisous à eux ! Mais le profit n’est pas vraiment l’objectif donc le modèle économique est bancal et je dois encore payer quelques personnes pour des fonts et des travaux dans le mag…

Je me doute que c’est pas le but de vraiment gagner de l’argent mais c’est toujours relou de le mettre de sa poche. Tu te rembourses avec les ventes ?
J’ai pas compté. Peut être puisqu’il est vendu plus cher que le coût de l’impression mais au final si on prend en compte le prix du matériel photo et le temps passé dessus on est extrêmement déficitaire. Tant pis ! 

Rob, Louis

Comment est-il distribué ? Comment peut-on se le procurer ?
Il était distribué en shop à Paris chez Berezina, Chattanooga, Odilon, Nozbone et Vega. Il était aussi à Cahier Central (une librairie) et Nation Photo Monge (un labo). On était à Nantes chez NDJ et Banc Public, et à Niort à Rockslide parce que c’est là où j’ai grandi. Et pour finir on est aussi chez Public Skateshop à Arnhem aux Pays Bas, gros shout out à eux pour le travail d’archivage qu’ils font. Pour ce qui est des stocks j’en ai aucune idée…  Juste à Nation Photo il doit en rester un ou 2 et sinon il me reste une 20aine du 2 chez mon père dans le fin fond de mon déménagement.

Est-ce qu’il y a une périodicité de prévu ?
À la base ça devait être tous les quatre mois puis six puis tous les ans, au final l’hypothétique Cure 3 est devenu un running gag, donc il ne sortira jamais ! A voir si le brouillon du 2.1 que j’ai en réserve mérite l’impression. Mais je pense que le journal et le format des 2 premiers c’est fini. Après tout, est-on obligé de toujours produire quelque chose ?

Non, mais il y a des endroits où un zine rassemble vraiment la scène, à Paris c’est différent. 
Ouais mais c’est pas mon rôle ni le rôle que je veux avoir de fédérer un scène.  

Qu’est-ce qui différencie un magazine d’un fanzine de skate, selon toi ?
J’en sais foutrement rien ! Je pense que si tu appelles ça un magazine c’en est un et si tu appelles ça un fanzine alors c’en est un.

Ouais bon, c’est pas une question vraiment intéressante… Quel regard portes-tu et qu’attends-tu des médias skate français ?
J’ai pas vraiment de regard dessus. Quand j’étais à Paris c’était facile de me procurer toutes les “petites” sorties à Nozbone mais là à Bordeaux à part Sugar et parfois miraculeusement un Magdezine c’est un peu faiblard donc je vois pas trop ce qui se passe. Par contre je suis avec intérêt les avancées de Magdezine et j’essaye de soutirer le plus d’infos sur l’hypothétique La Skateboarderie en papier qui devrait un jour sortir, inchallah !

Quelles sont tes références actuelles et passées en terme de médias skate (français ou internationaux, web ou papier) ?
Franchement pour moi Solo c’est le mieux en ce moment autant en ligne qu’en print. sinon je suis évidemment Jenkem, je trouve que Pocket apporte quelque chose de très intéressant en ligne, Grey et North pour la photo, j’aime beaucoup 2001 malgré mon aversion pour les Etats Unis et je relis souvent le livre des 5ème Terrasse sorti l’année dernière et mes De Paris. Dommage que ça s’arrête. Et Digression hors skate Sixteen magazine pour les amateurs de photo actuelle je recommande, en plus une partie des photos sont prise par Deanna Templeton.

Quel est le dernier mag que tu as lu et qu’est-ce que tu en as retenu ?
Probablement un Free et ça m’a probablement filé mal au crâne.

Entretien réalisé par emails interposés en mars 2023. Les photos en noir et blanc sont de Félix Picaud.