A PROPOS DE ZINES : HOMETOWN

Les „fanzines“, ou juste „zines“, ont toujours existé dans le skate en France, mais il semblerait qu’il y ait un renouveau, notamment depuis les différents confinements… Etat des lieux avec pour commencer : HOMETOWN, réalisé par Charles Paratte, à Besançon, qui est aussi le type dérrière cafecremeblog.com.

Combien êtes-vous à bosser sur le zine ?

Charles Paratte : Je fais tout tout seul, photos, illustrations, mise en page, distribution à part bien-sûr l’impression qui est confiée à une entreprise dédiée. 

Comment est née l’idée et combien de temps ça a pris pour que ça sorte ?

Alors il y a plusieurs paramètres. Je fais de plus en plus de photos et j’ai proposé à des locaux ici à Besançon de shooter, et je me suis dit que je pourrais en faire une publication papier, d’où l’idée du zine photo. J’ai un petit garçon de 15 mois, et donc il est encore trop jeune pour que je puisse beaucoup me déplacer comme j’en avais l’habitude. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de faire quelque chose sur place, entre deux biberons c’est plus facile de descendre faire une photo en bas de chez moi que de faire l’aller retour à Paris. Le projet, à sa mesure, c’est aussi le moyen de galvaniser la scène locale, de faire participer les gens à quelque chose qui a une finalité autre qu’un trick en story sur Instagram. Les photos ont été faites en automne dernier, ça a trainé pour sortir car je ne savais pas si j’avais assez de matière et avec l’hiver c’était en stand-by donc je me suis lancé pour produire le zine en janvier.

La scène bisontine avait besoin d’un petit coup de boost ? 

Je ne sais pas si la scène bisontine a un quelconque besoin, et je n’ai pas la prétention de pouvoir changer quoi que ce soit. Je ne suis plus sur les spots à longueur de journée avec les kids, mais je suis toujours attentif à ce qui se passe, à observer l’évolution. Et puis j’ai toujours envie d’apporter ma contribution. Je sais pas si faire un petit zine photo transforme une scène mais j’ai des retours positifs. La perspective de participer à une prochaine édition réjouit ceux à qui j’en ai parlé, c’est cool. Et j’ai quand même bien harcelé certains pour qu’ils rentrent leur tricks, ah ah ! Mais quand-même, pour répondre vraiment, non, la scène bisontine n’a pas besoin d’un petit coup de boost, elle a besoin d’un gros coup de boost !

Quelles ont été les plus grosses difficultés ?

Pour shooter, c’est trouver un créneau de dispo commun avec le skateur, sachant que je ne suis pas toute la journée dans la rue. Après, il y a toutes les péripéties classiques de faire des photos de skate, être dans la rue allongé sur le sol, poser les flashes, acheter des piles entre deux essais, se faire virer etc…

Je veux dire, les difficultés à produire un zine et le distribuer…

En dehors de shooter les photos, il y a toute la partie „graphique“ avec la mise en page, un peu d’illustration. J’ai quelques connaissance dans ces domaines donc ça va, c’est juste de tout faire tout seul qui peut être déstabilisant, mais c’est pas hyper compliqué. Par contre, la distribution, ça peut être plus chronophage qu’attendu, entre la préparation des enveloppes, les envois, et aussi le passage de main à main où il faut trouver le temps de croiser les gens. Pour mon cas, c’est une petite série donc ça peut aller, mais c’est vraiment un paramètre à prendre en compte avant de se lancer. Pour un prochain projet comme ça, j’aimerais organiser un petit apéro de lancement, où on réunit les protagonistes et d’autres pour marquer le coup et distribuer une partie des exemplaires à ce moment-là.

Tu fais aussi cafecremeblog.com mais c’est assez éloigné de ça, il n’y a pas de texte dans Hometown. Pourquoi ce choix ?

Oui, comme dit précédemment, ce zine ne contient qu’une série de photo des locaux de Besançon, ça n’a pas la prétention d’être autre chose. J’ai clairement envie de produire quelque chose qui se rapproche de ce que j’ai fait sur le site, sur papier, mais ça demande du temps et tout seul c’est pas facile. Pour un zine avec du texte sur la scène locale on l’a fait pendant le confinement avec le défunt shop Molly et le concours Rave skateboards. Ça s’appelait « Souk ».

Est-il prévu de mettre Hometown aussi en ligne ?

Non, mais des photos seront en ligne sur Insta via le compte de @caferemeblog.

Quel est le tirage et comment est financé le zine ?

C’est une série de 50 exemplaires, que j’ai financée. Le zine est vendu 5 euros mais ça ne couvre pas tout. Surtout si on prend en compte les frais de port qui sont aujourd’hui exorbitants. L’idée n’était pas de faire du bénéfice sur ce projet.

Charles. Photo : Alice Blois

Comment est-il distribué ? Comment peut-on se le procurer ?

Plusieurs options, on peut sonner à ma porte et j’accueille avec grand plaisir avec un café, mais personne ne l’a fait ! Ah ah ! Je le distribue de main à main ou on peut le commander sur la boutique Bigcartel en ligne.

Est-ce qu’il y a une périodicité de prévu ? Quand sort le prochain ?

Oui j’ai très envie de refaire un zine photo en 2023, en m’y prenant plus tôt cette année et aussi faire un autre projet papier avec des articles mais aussi des contributeurs.

Qu’est-ce qui différencie un magazine d’un fanzine de skate, selon toi ?

Spontanément je dirais que les magazines sont distribués plus largement et financés en grande partie par les annonceurs, avec tout ce que ça peut générer en terme d’équilibre à trouver entre les marques et le contenu du mag qui match ou pas, pour éviter que le contenu soit uniquement du publireportage maquillé. Je ne connais pas tout mais c’est ce que j’ai compris. Quand on évoque fanzine, ça me fait penser au truc de potes imprimé avec la photocopieuse du lycée, même si ça peut être évidemment plus ambitieux. Y’a le côté business en moins, libre indépendant, après y a pas les mêmes moyens qu’un mag. Cela dit, ça ne  garantit pas non plus que ça va être de la qualité.

Tu trouves que justement, dans les magazines, il y a trop de contenu lié aux marques ?

Pas forcement, mais je pense qu’à une époque, c’était plus le cas, avec beaucoup d’articles sur des tournées organisées par des marques par exemple, l’image de la marque renvoyée par un média skate papier devait avoir beaucoup plus d’enjeux qu’aujourd’hui. Maintenant, les marques peuvent faire leur promotion avec d’autres mediums comme les videos en ligne et les réseaux sociaux avec une très grande diffusion. Et d’un autre coté un média skate doit désormais proposer autre chose comme contenu que les marques n’ont pas déjà diffusé, ça doit être complémentaire.

Quelles sont tes références passées en termes de médias skate (français ou internationaux, web ou papier) ?

Ah ah ! Là si tu me connais un peu tu sais que je suis un nerd, on va procéder par période. En francophone, j’ai commencé à lire des Noway/Anyway/Beside, Bicross & Skate à partir de 1989 je pense, et franchement avec le recul c’était quand même pas ouf. Qui a déjà feuilleté un Sticker & skate mag ? Ensuite, Il y a eu la période creuse sans mag en kiosque. J’ai essayé de mettre la main sur tout ce qu’on pouvait trouver, j’ai même eu tous les A5, La lettre qu’avait lancé Benjamin Deberdt je crois. Je me souviens d’un petit moment de flottement quand j’ai demandé au vendeur de street machine de me le sortir de la vitrine, je pense qu’on était pas nombreux à faire ça. J’ai dû avoir un 2D mag que tu as fait, y en a eu physique ? J’ai un doute, mais c’est bien plus tard, ça. Ensuite tu as l’âge d’or des mags papier en kiosque, mes références c’était Freestyler pour le ton, l’humour et la critique amusante du ridicule du monde du skate et son industrie parfois, Sugar pour la richesse du contenu, après j’aimais moins Tricks par exemple mais j’achetais tous les mags quand même. Ensuite y a le déclin du papier avec internet, on trouve des magazines distribués en shop il me semble qu’en France Soma et À Propos fonctionnaient comme ça à ce moment-là. En ligne, j’ai un vague souvenir d’un blog de MDV mais je n’en suis pas certain, genre Skyblog avec des histoires de brown nose, ah ah ! Ou alors c’était un forum. Puis il y a eu Live Skateboard Media pour lequel j’ai pas mal fait de contributions. En américains, forcément Transworld, Skateboarder et Slap, j’aimais moins Thrasher. Les débuts de Big Brother avec à chaque fois un format différent, c’était marquant, c’était un peu plus „politiquement incorrect“ on va dire, j’ai le souvenir d’article de concours de bang avec Guy Mariano comme vainqueur, je comprenais même pas de quoi il s’agissait. En ligne on a Jenkem qui peut sortir des sentiers battus, Village Psychic avec des articles intéressants comme la série des „politiques dans le skate“, les interviews de Chrome Ball Incident, Boil the Ocean où c’est un peu métaphysique parfois, Slam City publient des bons truc parfois sur leur blog. J’aime regarder les petits documentaires comme par exemple „Out there“ de Waylon Bone sur Thrasher ou „Follow“ de Pocket Skate Mag, Olivier Fanchon en avait produit un sur Luidgi. Ensuite il y a toutes les éditions papiers distribuées en shop, en référence pour moi il y a Free et Solo, et ils proposent aussi d’autres choses en ligne.

Neil Varrin, ollie à la Rodhia (Besançon). Photo : Charles

Quel regard portes-tu et qu’attends-tu des médias skate français actuels ?

En France je regrette que tous les anciens aient arrêté ou soient beaucoup moins impliqués, et qu’il n’y ait pas de média plus important, même si bien-sûr Sugar existe toujours. C’est mon côté nostalgie mais pas que. Je ne dis pas que seuls les vieux savent, mais c’est important qu’il y ait une transmission. Si tu regardes Free ou Solo que j’ai cités plus tôt, les mecs derrière, ils connaissent le sujet, ils ont de l’expérience et un regard sur la culture du skate, ils peuvent passer le relais à de nouvelles générations. Pour moi c’est important que l’audience, un minimum, aille vers des gens qui me paraissent crédibles, en tout cas crédibles à mes yeux. On voit quand même pleins de choses éparpillées, mais que je qualifie plutôt de niches, par exemple  Aymeric Nocus qui manque jamais d’inspiration quand il est lancé, Seb Charlot avec Bigspin c’est plutôt pointu et consistant, l’équipe Magadezine a l’air bien motivée, Beyondboards ont fait des trucs en français je crois. Déjà Vu c’était ambitieux, je ne sais pas vers quoi se dirige À Propos ? Il y a quand même des gens qui ont des choses à dire et pourvu que ça dure, car sinon j’ai peur de ne voir que des vidéos Youtube ou Tiktok de test de grip par exemple…

Avec À Propos j’improvise, les idées me viennent comme ça, je n’ai plus aucune ambition ni vraiment le temps mais j’ai toujours envie de m’exprimer ponctuellement, et je suis curieux de tout ce qui sort, de la façon dont on est traité le skate, dans et en dehors du skate… Tu en es où avec Café Creme ?

J’ai beaucoup ralenti quand il y a eu le Covid car j’ai croisé moins de gens. Je vais essayer de reproduire des trucs, des interviews etc., mais je ne sais pas à quel rythme, ça dépendra des opportunités et inspirations et comme toi, de mes disponibilités, mais l’envie est toujours là !

Entretien réalisé par emails interposés en février 2023.