DAVE CARNIE

Dave Carnie a été, il y a bien longtemps, rédacteur en chef de Big Brother magazine. Voici un condensé de l’interview parue dans A Propos numéro 16, dont le thème était „Les réseaux sociaux“.

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„JE PRÉFÈRE LIRE DES LIVRES QUE DES MAGAZINES DE SKATE DÉBILES“

[highlight]E[/highlight]st-ce que c’est toi la personne derrière le compte @bigbrotherskateboarding ?
Non, c’est Sean (Cliver – NDLR) qui s’en occupe. Il m’a dit que j’avais le droit de l’utiliser mais c’est trop chiant de se déconnecter et se reconnecter.
[highlight]D[/highlight]onc tu as ton propre compte Instagram ?
Oui. Ça s’appelle @acidinvader, qui est un anagramme de David Carnie. C’est rempli de collages et de trucs bizarres que je fais. Je l’ai montré à Scott Bourne la semaine dernière et ça l’a rendu dingue. Il m’a dit : « pourquoi tu perds ton temps à montrer ça sur Instagram ? » et il avait un plutôt raison, je crois… Avant, je postais un truc tous les jours. Je bossais pour cette boîte pourrie et je n’avais aucun moyen d’exprimer ma créativité, alors j’ai décidé de faire une oeuvre d’art tous les jours et de la mettre sur Instagram. Je l’ai fait pendant deux ans, mais aujourd’hui je ne fais ça plus qu’une ou deux fois par mois.
[highlight]E[/highlight]st-ce que, comme la plupart d’entre nous, tu es accro aux réseaux sociaux ?
Non. Je l’étais au début, j’allais sur Instagram des dizaines de fois par jour… Aujourd’hui je ne regarde ça que quelques fois dans la semaine.
[highlight]T[/highlight]’es sur Facebook ?
Non. Enfin, j’ai un un faux compte sur lequel je peux me connecter si j’ai besoin de voir un truc, mais je ne l’utilise que très rarement. Il n’y a qu’Instagram que j’aime bien.

acidinvader@acidinvader

[highlight]T[/highlight]’es sur aucun autre réseau ?
J’ai travaillé sur un compte Twitter, à un moment, pour une agence qui s’appelle 72andsunny. Alors il a fallu que j’apprenne à m’en servir.
[highlight]J[/highlight]e n’arrive pas à comprendre l’utilité de Twitter…
Même Twitter ne sait pas à quoi ça sert ! Le problème de Twitter c’est qu’ils n’ont pas de nouveaux utilisateurs. Moi, par exemple, je me suis créé un compte quand c’est arrivé, par curiosité, et puis j’ai vite compris que c’était de la merde et j’ai arrêté de l’utiliser. Et apparemment, la plupart des gens sont comme moi : ils s’y mettent, ils essayent de l’utiliser et puis se rendent compte qu’il n’y a rien d’intéressant et ne l’utilisent plus jamais. Donc notre boulot chez 72andsunny était d’essayer de faire en sorte que les gens utilisent Twitter. Mais au bout d’un mois, 72andsunny a dit à Twitter qu’ils avaient autre chose à faire que de s’occuper de ça. Ils ont envoyé chier Twitter ! C’est vraiment génial ! Ah ah  ! Bref, je ne sais pas, et Twitter non plus. J’en sais rien.
[highlight]T[/highlight]u n’es pas sur Snapchat non plus ?
Non. C’est celui où tu fais glisser les gens à droite ou à gauche ?
[highlight]N[/highlight]on, ça c’est Tinder.
Je ne suis sur aucun des deux.
[highlight]À[/highlight] l’époque de Big Brother, c’est bien le genre de truc que vous vous seriez amusés à tester, Tinder.
Oui, et le même pour les gays, Grindr. J’ai un pote gay qui me pousse à m’y inscrire : « Tu t’amuserais bien avec ça ! »
[highlight]E[/highlight]st-ce que avoir Big Brother et Jackass sur ton CV est un handicap pour trouver du boulot ?
Ah ah ah ! Non, ça m’a plutôt aidé. Mais c’est assez bizarre que ce dont on se rappelle de moi est ce que j’ai fait il y a 20 ans…
Quelle est la chose la plus bizarre que tu aies été amené à faire, après la fin de Big Brother ?
Quelqu’un est en train de faire un film sur la “Bromance”. Apparement, j’ai inventé le terme dans les pages de Big Brother. Je ne sais pas si c’est vrai, mais on est venu me voir pour me demander d’écrire un article pour un bouquin qui sortirait avec le film. C’était assez étrange d’avoir à écrire un truc sur le fait que j’avais inventé le mot bromance.
[highlight]E[/highlight]t donc, tu l’as fait ?
Oui ! Mais je ne sais pas ce qu’ils en ont fait. Je ne sais même pas s’ils ont fait le film, ou juste le livre. Je ne crois pas avoir été payé pour ça, d’ailleurs…

(…)

[highlight]Q[/highlight]uel est le dernier magazine que tu as lu et apprécié ?
Je n’apprécie plus de lire des magazines. J’en feuillette tout le temps mais c’est plus pour trouver des images pour mes collages. Je reçois Vogue, Bon Appétit, National Geographic… Je tourne les pages mais je ne trouve pas qu’ils aient grand chose à offrir. Tous ces magazines de pop-culture, c’est comme péter dans le vent.

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[highlight]E[/highlight]t les magazines de skate ?
Je ne trouve pas qu’il y en ait de très intéressant, au moins en Amérique. The Skateboard Mag, c’est de la merde. Thrasher c’est Thrasher, ça ne changera jamais. C’est cool. Transworld a toujours été… naze. Donc je ne suis plus trop le skate, maintenant. Mais j’aime bien ce qu’ils font sur Jenkem, j’aime bien les marques comme Fancy Lads, à Boston. Et Kingshit fait du bon boulot au Canada.
[highlight]E[/highlight]t les zines comme Lowcard ?
Moi je lis des livres. J’ai tellement peu de temps libre que je préfère le dépenser en lisant des livres que des magazines de skate débiles. Je n’ai pas trouvé de mag de skate qui propose quelque chose d’assez intelligent pour que ça vaille la peine de le lire. J’aime bien regarder les belles images qu’il y a dedans de temps en temps, mais je ne les lis pas. Maintenant que je ne suis plus rédacteur en chef d’un magazine de skate, je ne me sens plus obligé de faire partie de „l’industrie du skateboard”. Et ça me va bien comme ça. L’autre jour, j’ai voulu faire l’expérience d’ouvrir au hasard un Skateboard Mag juste pour être sûr que je ne passais à côté de quelque chose. Non seulement j’ai pu constater que je ne ratais rien, mais c’était encore pire que j’imaginais. J’ai ouvert en page 85, le titre était « Week-end with Wes » et voilà ce que ça racontait : « Sunshine, ocean breeze, and knucks on the beach. San Diego’s favorite son played host for a week-end in S.D. and let us in on his slice of skate paradise that’s as laid back as his frontside flips. As Wes would say, ‘Let’s meet up, kick it, and talk some shit.’ Back that. » Et ça, c’est l’article dans son intégralité. Je ne comprends même pas ce que ça raconte. Les quatre pages suivantes sont remplies de photos de Wes Kremer en skate, il y en a une de lui assis dans une voiture, une où il tape dans la main de quelqu’un et une autre où on le voit marcher sur le trottoir. Je n’ai aucune idée du but de cet article, ni si le texte a le moindre sens. Ça m’attriste vraiment que des conneries comme ça soient acceptables. Surtout que plusieurs personnes ont dû lire ce texte, regarder la maquette et valider l’article en disant « Ouais c’est cool, faisons ça ! ». J’ai honte d’être un skateboarder quand je lis de la merde pareille.

[highlight]A[/highlight]lors quels sont les derniers livres que tu as lus ?
Dans mon sac, là, j’ai Coincidance de Robert Anton Wilson, et Occidental Mythology de Joseph Campbell. J’ai aussi un peu honte de lire un livre qui s’intitule Jonathan Strange And Mr. Norrell de Suzanne Clarke. C’est sympa à lire mais c’est une sorte d’Harry Potter pour adulte. Au moins, je n’ai jamais lu Harry Potter. Et je viens de finir 2666 de Roberto Bolano que je recommande vivement.

(…)

[highlight]A[/highlight] quand remonte la dernière fois que tu as passé un jour sans parler de Big Brother ?
Ah ah ah ! Oui, c’est un peu bizarre… Ça doit faire un an. Devoir fouiller dans ma mémoire avec le livre (The Big Brother Book – NDLR) m’a bien remis dedans cette année !
[highlight]Ç[/highlight]a te suivra toute ta vie !
Ça va, j’ai un trou du cul qui me suivra toute ma vie aussi, c’est à peu près pareil !

Entretien réalisé à Paris en mai 2016, disponible dans son intégralité dans le #16, ICI.