LA STREET LEAGUE DES CHAMPIONS DU MONDE

Si vous êtes un fidèle lecteur de cette colonne, vous savez que pour toute l’équipe d’A Propos (service compta inclus), la Street League, c’est un peu la fête du slip chez les nudistes. Désolé, j’ai pas trouvé mieux comme analogie mais j’assume. Bref, ce week-end c’est à Rio que la caravane de la SLS s’est arrêtée, avec, sans qu’on sache vraiment pourquoi ni comment, des tas de Brésiliens et de Français à l’intérieur.

SLSLS

Et sans qu’on sache non-plus ni pourquoi ni comment, cette fois, au lieu de juste avoir une coupe et un chèque à cinq zéros comme d’habitude, Nyjah est aussi devenu champion du monde. Avouez que ça fait bien longtemps que vous n’aviez pas eu connaissance du champion du monde de skate. Moi, le dernier en date c’était Brian Anderson, après avoir gagné le contest de Münster en 1999 (je crois). Entre temps, tout était redevenu normal et on avait oublié l’idée qu’il puisse y avoir un « champion du monde de skate ». Et là, paf ! La Street League est devenue d’un coup le truc qui désigne le World Champion, probablement pour faire monter les enchères des droits télé, parce que c’est quand-même plus vendeur « Championnat du monde » que « Street League » auprès du fidèle téléspectateur au cerveau disponible.

Je me suis donc infligé les finales féminines et masculines pour bien entendu, pouvoir en dire du mal en connaissance de cause. Bon, j’avoue que ça me fascine aussi tout ce cirque, un peu comme quand il y a une bagnole défoncée sur le bas côté de l’autoroute : difficile de ne pas tourner la tête pour tenter de voir le carnage.

AoriChampionne du monde.

Mais le pire dans tout ça, c’est les commentateurs : deux types (pourtant c’est des vrais gars du skate) qui au lieu de se foutre des trois poils au menton de Nyjah ou du combo casque+casquette de celle qui est devenue Championne du Monde, racontent ce qu’il se passe vraiment sur la piste. Le mec fait un flip back lip, alors ils nous disent qu’il a fait « flip back lip ». Nyjah fait tré flip lipslide : « tré flip lipslide ! Woaaah ! ». Probablement au cas où il y ait des aveugles qui regardent…

Donc, moi, comme quand je regarde le foot (ouais ça m’arrive, pas plus de trois fois tous les quatre ans je vous rassure), je coupe le son et je mets de la musique. Ca m’évite de râler et d’insulter les commentateurs tout seul comme un con au fond de mon canapé, mais surtout, ça permet de regarder tout ça sans subir leurs sauts d’humeur voire leurs hurlements, et de pousser moi-même spontanément des soupirs d’ébahissement à la replaque d’un ghetto bird d’Aurélien Giraud ou d’un big spin front blunt big spin out first try de Kelvin Hoefler. Parce que sous mon armure d’acier bat un coeur sensible.

Par contre, il y a un truc que j’ai apprécié, c’est qu’ils ne nous ont pas mis le ralenti du moment où Ivan Monteiro se casse les dents en finale, laissant une petite flaque de sang à la replaque du gros module central (que personne n’a d’ailleurs pensé à essuyer). Un geste de pudeur que je me devais de relater ici, en espérant qu’il en soit ainsi à tout jamais.

SangUne flaque de sang et Mark Suciu.

La Street League est donc en train de s’ouvrir et de devenir la référence en matière de skateboard à la télévision et donc pour les JO. Non sans amertume je m’incline, en espérant qu’Evan Smith revienne faire du flat dans ses runs et qu’un jour, un type sorte une bombe de peinture de sa poche et fasse des graffitis sur les modules pendant son run. Ce serait dingue, non ?