Après les „Check In“ qui mettent en lumière les p’tits jeunes, voici les „vieilles gueules“, en hommage aux „Vos Gueules“ de Sugar et aux „Le Vieux“ de Soma. Premier épisode : Arnaud Brémard AKA The BRZA, qui fait partie du carnet d’adresse d‘A Propos depuis environ 20 ans (on peut donc dire sans aucune réserve que cette interview est du pur copinage).
„LES SEULES THUNES QUE JE ME FAISAIS C’ÉTAIT EN REVENDANT DU MATOS“
Est-ce que tu te souviens de la première board que tu as reçue gratuitement ?
… Non. Ah ah !
C’était pas un aboutissement pour toi ?
Non. Ça me faisait rêver mais ce n’était pas mon but. Donc pas un aboutissement.
Tu te souviens de l’année ?
C’était en 1997.
Tu peux faire la liste des autres sponsors que tu as eu ?
En premier j’ai eu Bud, ensuite j’ai eu Duffs, quatre paires de shoes par mois, c’était énorme ! C’était grâce à Fabien Le Toullec, et ça a duré un an je crois. Après j’ai eu DVS, pareil, quatre paires par mois pendant deux ans, avec Franck Barattiero. En board j’ai eu Aesthetics, environ deux boards par mois, Individual clothing, un carton par mois…
Tu mettais les joggings Individual ?
Exact ! Ceux avec les yeux à l’égyptienne le long de la jambe !
Epoque The Storm !
Ouais ! J’ai eu Elwood clothing aussi, je me gavais ! Et après il y a eu Adidas avec Julien Bachelier, quatre ou cinq paires par mois.
Tu vivais de quoi à l’époque, à Rouen ?
J’étais étudiant, je vivais encore chez mes parents, je faisais des petits boulots…
Tu as déjà gagné de l’argent avec le skate ?
Non, les seules thunes que je me faisais c’était en revendant du matos, je n’ai jamais eu de salaire.
En quelle année tu es arrivé à Paris ?
En 2002.
En général, les skateurs qui débarquent à Paris, c’est pour valider ou lancer un peu leur carrière, tu étais dans cette démarche ?
Moi je suis venu à Paris parce que ma copine de l’époque s’installait ici pour ses études, et moi j’avais un piston pour un job. Comme j’avais pas mal de potes à Paris, je me suis dis « allez, c’est l’occasion ».
C’était un job à plein temps ?
Oui, j’ai toujours eu des jobs à plein temps à Paris.
C’est un peu le truc pour ruiner une carrière…
Oui, mais je n’ai jamais voulu faire que du skate. Ce n’était pas mon but, je n’ai jamais voulu être pro…
Tu as voyagé avec le skate ?
Oui, le premier gros trip que j’ai fait avec le skate, c’était aux Etats-Unis en 1998. Florian (Rivières) de Bud nous avait payé le billet pour Los Angeles, avec Polo (Paul Labadie) et Christophe (Cabret). Et puis j’ai fait des tours en Angleterre, en Espagne, à droite à gauche…
Tu faisais le job de mec sponso, tu appelais les photographes, ce genre de trucs ?
Oui, le tout premier truc que j’ai eu c’est un Vos Gueules dans Sugar. Benjamin (Deberdt) avait shooté la photo, j’avais 22 ans. A l’époque je faisais des aller-retours Rouen-Paris tous les week-ends. Quand je me suis installé, un peu plus tard, oui, j’appelais les gars et j’allais skater avec tout le monde… C’était cool !
C’était quoi le job que tu avais, en arrivant à Paris ?
Vendeur chez Toys’R Us ! Pendant quatre ans ! L’enfer, quatre Noël dans la gueule ! Ah ah ah !
A Rouen, t’avais un job ?
Oui, j’ai été brocanteur pendant deux ans, nettoyeur de bagnoles en intérim…
En discutant avec des vieux Rouennais, j’ai constaté que t’étais pas apprécié de tout le monde là-bas, ça n’a pas été une des raisons de ton départ, aussi ?
Un peu… L’occasion s’est présentée à Paris, l’appart’, la nana, le boulot… Mais c’est vrai qu’à Rouen j’avais vite fait le tour et ça ne bougeait plus assez à mon goût. Et puis Paris, c’est pas loin de Rouen, donc c’était facile.
En arrivant à Paris, toi qui étais un peu un héros de ta ville de province, c’était comment de redevenir un peu un anonyme parmi les nombreux mecs super forts ?
Je n’ai pas vraiment vécu ça, ce qui m’a surpris c’était de voir le nombre de clans différents. Bastille, le Dôme, Bercy, c’était très cloisonné à l’époque ! Moi je ne skatais pas trop au Dôme mais je skatais tout le temps avec les mecs de Bastille ou de Bercy, plein de gens différents…
C’était qui ton crew de l’époque ?
Y’avait Soy (Panday), toi, Samir (Krim)… tous les gars de Bercy… C’était une bonne époque !
Tu n’as jamais trop filmé, à Paris…
Non, c’est vrai, je n’ai pas filmé grand chose.
Donc tu t’es dis que c’était le moment, à 42 ans !
Avant mes 43, ouais !
T’avais quelque chose à prouver ou quoi ?
Ah ah, oui, aux mecs qui me disent « Tu skates encore ? » ou « On te voit plus sur les spots… ». Y’a des mecs qui ont mon âge qui pensent qu’il ne reste plus qu’eux… Moi je kiffe encore ça, comme à mes 25 ans, je suis encore en forme, j’arrive encore à faire des trucs !
Tu as mal nulle part ?
Si, j’ai super mal au dos.
Les chevilles ?
Ça va, je touche du bois !
Je ne pensais pas qu’on skaterait encore à 42 ans, on va bien aller jusqu’à 50 !
Je pense que oui, c’est sûr !
Réalisé à Paris le 14 janvier 2019.