Si Jérôme Chevallier et Kévin Besset ont fait des choix capillaires contestables à une certaine époque, ils ont aussi choisi tous les deux il y a bien longtemps de ne plus ingurgiter de morceaux d’animaux décédés. Pourquoi ? Comment ? Entretien croisé à domicile.
De quoi était composé votre dernier repas ?
Kevin Besset : Hier soir, j’ai pas très bien mangé, juste des pâtes avec du tofu je crois… En ce moment je ne fais pas vraiment d’effort.
Jérôme Chevallier : Moi j’ai mangé ce que Flore (une amie proche – NDLR) a cuisiné : une salade de fenouil avec des fleurs de bourrache et de la mâche accompagné de socca, ensuite une tarte aux poireaux maison avec des échalotes, des oeufs d’un pote qui élève ses poulets avec de l’alimentation naturelle, et un gâteau au chocolat ! Merci Flore !
Kevin : j’aurais dû venir hier soir, ça avait l’air super bon ! Moi c’est sûr que quand ma femme est là, je cuisine mieux… Quand je suis en France (il vit la moitié du temps à Barcelone – NDLR), je profite que l’eau soit potable pour manger des pâtes !
Depuis quand vous avez arrêté de manger de la viande, parce que je suppose que vous en mangiez quand vous étiez plus jeune ?
Jérôme : ça doit faire douze ans, maintenant, et j’ai 39 ans.
Kevin : ça fait quinze ans, et j’ai 42 ans.
„COMMENT VALLELY, QUI A UNE TÊTE DE ‚FAFOUZE‘ POUVAIT AVOIR FAIT UN TRUC AUSSI SENSIBLE !“ – Kévin
Comment c’est arrivé ?
Jérôme : un jour je suis allé manger chez des personnes végétariennes et c’était hyper bon. À la suite de ça, j’ai commencé à me poser la question, à me demander si je serais un jour moi-même végétarien… Cinq ans plus tard, je suis le suis devenu. Mais j’avais déjà été sensibilisé à ça à travers la musique que j’écoutais. Mais c’est ce repas qui a été le déclic.
Kevin : viande et poisson ?
Jérôme : au départ, on m’a dit « mais faut pas arrêter comme ça, mange du poisson » et comme j’en mangeais très peu, j’ai essayé, mais au bout d’une semaine j’ai arrêté !
Kevin : moi, mes parents étaient déjà un peu dans ce truc à l’époque, bien manger, à moitié macrobiotiques, mais c’est pas ça qui m’a inspiré. C’est surtout les délires de Vallely et Templeton, les boards avec les animaux, la vache avec plusieurs estomacs, qui m’avaient interpelé au départ. Comment un type comme Vallely, qui avait une tête de ‘fafouze’ pouvait avoir fait un truc aussi sensible ! Bon, après, il s’est remis à manger de la viande mais bon…
Il avait eu une interview dans Transworld, je crois, tu l’avais lue ?
Kevin : oui, bien-sûr. Du coup, deux ou trois fois, j’avais arrêté la viande pendant un mois ou deux, mais bon, on faisait un peu n’importe quoi à l’époque, on ne buvait jamais assez d’eau, on avait tout le temps des courbatures, on prenait des Guronzan, on faisait n’importe quoi ! Mais c’est avec mon mariage que je m’y suis mis naturellement, car elle ne mangeait déjà pas de viande… Et même avant le mariage, d’ailleurs.
Jérôme, BS boneless, avril 2017
„TU SUBIS PARFOIS LES RAILLERIES“ – Kévin
Socialement, ça a été compliqué à faire admettre ?
Kevin : non, c’était pas un chemin de croix mais c’est vrai que tu subis parfois les railleries… Et c’est encore pire au Brésil ! Ici, ça va encore, mais il y a des régions où c’est encore très barbecue, si tu ne passes pas le premier sur la grille, où tu vas mettre tes oignons ou ton poivron ? Et il y aura toujours des mecs pour dire « oh le mec, il va se faire un sandwich au poivron et à l’oignon ! »… Mais bon, c’est de bonne guerre !
Jérôme : moi, mon entourage avait déjà vu beaucoup de choses, donc ça ne les a pas trop surpris ! Ah ah ah ! Ça n’a fait ni-chaud-ni-froid à mon père, mais ça a plus travaillé ma mère parce que c’est elle qui cuisine, mais ça n’a pas vraiment été un problème.
Est-ce que vous avez ressenti une différence, qu’elle soit physique ou psychologique, entre avant et après la viande ?
Jérôme : Physiquement oui.
Kevin : carrément.
Jérôme : tu te sens plus léger, tu récupères de l’énergie plus facilement. Ton organisme travaille moins pour éliminer les toxines végétales qu’animales…
Kevin : tu es plus tonique, plus vivace, tu as plus de flex, c’est plus facile à assimiler…
Tu digères plus vite, donc tu as faim plus souvent, non ?
Kevin : oui, mais il faut manger autrement.
Jérôme : c’est vrai, mais c’est le temps que ton organisme s’adapte. Comme il n’est pas habitué à ce changement, il va garder l’habitude de beaucoup travailler et sera demandeur, mais petit à petit, la faim ne vient plus si vite. Lentement, même ton estomac prendra moins de place dans ton corps, il sera plus léger et toi aussi.
Kevin : Il faut s’organiser autrement. Moi j’essaye de manger des aliments complets ou demi-complets… Mais oui, moi j’ai ressenti la différence : tu es plus mince, plus svelte, si tu compares les gens de ton âge de ton entourage (qui mangent de la viande – NDLR), il n’ont pas le même physique !
Comment on compense les apports massifs de protéines animales ?
Kevin : par les arachides, les graines, le chou… assimiler au plus tôt le matin, il faudrait manger des aliments complets au petit-déjeuner…
Jérôme : je pense qu’il faut manger varié, avec plein de couleurs différentes, parce que les couleurs veulent dire des choses dans la nature. Les couleurs créent des apports différents, et les protéines, il y en a partout, du coup, il faut juste manger varié et équilibré, et ton corps s’adapte vite…
Kevin : la cure arc-en-ciel ! Ma femme, quand elle achète des légumes, il faut qu’elle achète toutes les couleurs, c’est bien à appliquer, en fonction des saisons.
Souvenirs avec Jér et Choco…
„AUJOURD’HUI C’EST MON CORPS QUI ME GUIDE SUR CE QUE JE DOIS MANGER“ – Jérôme
Vous n’avez jamais eu de carence ?
Kevin : pour le magnésium, je prends du nigari, une cuillère dans de l’eau. Tu sais, quand tu as l’oeil qui vibre, la paupière ? Ça c’est le manque de magnésium.
Jérôme : il faut manger varié pour éviter les carences. Mais on est tous différent, ça dépend de chacun, il faut se surveiller. Mais je pense que par rapport à l’époque où je mangeais de la viande, aujourd’hui c’est mon corps qui me guide sur ce que dois manger. Depuis que je suis végétarien, je suis plus à l’écoute de mon corps, du coup il ‘m’indique’ ce que j’ai besoin de manger à certains moments. Ça passe par les envies, et si tu t’écoutes bien, tu n’as pas forcément de carence.
Vous ne faites jamais d’exception, de la dinde à Noël par exemple ?
Jérôme : non, aucun contact !
Kevin : dès qu’il voit une boucherie, il change de trottoir ! Ah ah !
Jérôme : Ah ah, non, mais j’ai des potes qui font leurs cochons eux-mêmes, je les ai même aidé à monter leur cabane, bah, ils les élèvent, ils les tuent, ils les mettent en boîte, ils les mangent, et ils m’invitent même aux repas. Je n’en mange pas mais eux au moins, ils font ça eux-mêmes, d’une manière ‘correcte’, ils ne vont pas acheter de la merde au supermarché.
En voyage, c’est compliqué ?
Kevin : parfois c’est la merde, alors tu manges des bananes, quoi !
Jérôme : quand tu te déplaces, tu manges des fruits ou des graines, noix, noix de cajou, des machins comme ça, il y a tout, de la graisse, des protéines, des vitamines…
Qu’est-ce qui vous empêche d’être vegan, d’arrêter les oeufs et le fromage ?
Kevin : parfois j’arrête, mais j’ai un copain qui élève des poules et qui nous file des oeufs… C’est pratique, les oeufs.
Jérôme : la poule, elle pondra toujours des oeufs, donc bon… Ça ne me dérange pas. Mais j’ai passé une période où j’étais blessé, donc je ne mangeais plus de fromage parce que c’est pas très bon pour la reconstruction du corps, et je ne mange que des oeufs que produisent mes potes, je n’en achète jamais ailleurs. Bon, ça peut arriver chez des gens quand je suis invité… Après, être vegan, c’est un peu plus complexe. Il faut plus de temps pour cuisiner, c’est pas forcément évident…
Kevin : par contre, le lait, c’est facile d’arrêter.
La ‚metamorfose ambulante‘ !
„POUR LES VIANDARDS, LE VÉGÉTARIEN EST UN UTOPIQUE“ – Kévin
Est-ce que le végétarisme vous a amené vers certaines formes de militantisme ?
Jérôme : être végétarien, c’est être militant, tu n’achètes plus de produits industriels…
Kevin : oui, tu sais, tu es informé…
Jérôme : tu t’informes sur les émulsifiants, les édulcorants, toutes les saloperies qu’ils mettent dans la bouffe pour filer le cancer à tout le monde !
Kevin : tu es déjà activiste, quelque part, tu vas chez le petit producteur qui t’explique…
Jérome : en tous cas, ça te pousse à l’être un peu plus.
Quel conseil vous donneriez à quelqu’un qui hésite à s’y mettre ?
Jérôme : il faut avoir un but, une cause, même si c’est que pour soi-même.
Kevin : déjà, les oeufs, c’est une bonne transition…
Oui mais comment le faire accepter par son entourage, par exemple ?
Kevin : il faudrait aussi que l’entourage évolue, que les moeurs évoluent. J’ai des potes qui bossent dans des grosses boites et à midi, si tu ne prends pas un cassoulet, t’es une mauviette !
Jérôme : ça te met de côté, d’être végétarien, c’est pas évident, c’est vrai que beaucoup de mes potes ne m’invitent pas à manger…
Kevin : pour les viandards, le végétarien est un utopique ! Et ça, ça vient souvent du viandard qui n’a jamais plumé une poule !
Entretien réalisé le 19 avril à Cahuzac-sur-Vère.