5 QUESTIONS : ALEXIS JAMET

Qu’est-ce qui différencie le bon graphiste du mauvais graphiste ? Honnêtement, j’en sais rien. Du coup pour en apprendre plus on a parlé peinture et crayons avec Alexis Jamet, qui est à l’origine de la dernière édition De Paris, entre autres projets… – par Florian Debray

„J’ÉTAIS PARTI POUR FAIRE GRAPHISTE CHEZ TOTAL“

Tu peux m’expliquer rapidement comment cette collaboration avec De Paris a eu lieu et quelle a été ta contribution dans le livre ?
C’est Zeb (Thomas Busuttil) qui m’avait contacté. Je ne le connaissais même pas à la base, je l’avais juste aperçu à Tours sur des spots. Je lui avais causé et il m’avait proposé de passer à son bureau le jour où je passais à Paris. Je suis rentré en France quelques jours, j’y suis allé et il m’a proposé de faire la direction artistique de la prochaine édition. J’ai trouvé ça un peu chaud au début parce que je bossais déjà 3 jours par semaine en Angleterre, mais au final j’ai trouvé le moyen de bosser sur le livre durant les week-ends. Comme au début il n’y avait pas de deadline vraiment définie, j’ai commencé par faire de vrais illustrations élaborées et longues à dessiner. Par exemple, pour la page avec Mark Suciu, j’ai fait une illustration qui est vraiment dessinée. Au fur et à mesure la deadline s’est définie et c’est rapprochée, donc j’ai décidé de simplifier mon travail pour aller plus vite. Finalement ça facilite la lecture du livre de faire des formes basiques, épurées. Il fallait juste qu’elles reprennent les couleurs qu’on retrouve dans les photos pour rendre le tout cohérent.

C’était pas compliqué de bosser à distance ?
Le plus chaud c’était de ne pas avoir d’échantillon de papier pour le livre vu que j’étais pas « en direct » avec lui. Enfin, ce qui était cool avec Zeb c’est que j’avais vraiment beaucoup de flexibilité à choisir les photos et à faire toute la mise en page. Il y avait certaines contraintes évidemment, du genre ne pas faire apparaître trop souvent les mêmes skaters, mais par contre je pouvais dire que telle photo marchait mieux qu’une autre déjà sélectionnée, et on pouvait discuter ensemble. Il y avait un vrai échange.

LVAN-ALBPALBP/LVAN

Comment tu as commencé à faire du graphisme, en fait ?
Au début je pense que j’en faisais mais je ne savais même pas que s’en était. J’ai commencé à 14-15 ans avec un groupe de potes. On avait un blog sur la plateforme Agoride. On faisait des vidéos et je me suis mis à faire le titrage des vidéos, les illustrations, etc. Je ne faisais même pas ça sur Photoshop mais sur une sorte de « Paint » que j’avais trouvé sur telecharger.net ! Ah ah ! Enfin c’était pas vraiment du graphisme pour moi… Dans mon parcours scolaire, vu que je n’étais pas très assidu à l’école je suis parti faire un bac professionnel après la 3ème. Je voulais faire de la peinture et j’ai fait une formation de peintre en lettre où j’ai appris à faire du lettrage à la main. Le problème c’est que je suis tombé pile dans la période où la profession était en train de mourir. J’avais envie de continuer pourtant, donc j’ai fait un BTS en design graphique. C’était vraiment technique, ça n’avait rien à voir avec le graphisme conceptuel que je fais actuellement ou même celui que tu apprends en école d’art. En gros j’étais parti pour faire graphiste chez Total et faire des plaquettes ! Ironiquement maintenant je bosse dans un studio qui répond à des commandes de centres d’arts et mon job consiste juste à créer des trucs conceptuels, ce qui est complètement à l’opposé de ce que j’étais supposé faire.

Tu te souviens du graphisme de ta première planche ? J’espère que c’est quelque chose de plus épique qu’une board mini-logo achetée chez Décathlon…
Je crois… J’ai eu une mini logo un peu plus tard, mais ma première board c’était une Shorty’s, le pro model de Chad Muska qui était doré…

Un pro model doré ?
Bah ouais, quand t’es gamin tu prends ce qui attire l’œil ! Ah ah ! Et puis j’étais vraiment petit, il me fallait une board en 7.3 parce que je faisais du 37, quoi ! Enfin… non, attends, celle-là c’était ma première vraie planche de marque. Voilà : ma toute première board c’était bien une board Décathlon avec un dessin d’alien style E.T. dessiné dessus !

Il y a des artistes dans le skate qui t’inspirent un peu ?
Peut-être un peu Evan Hecox avec les boards Chocolate, Mark Gonzales et même Brian Lotti. C’était les trucs les plus graphiques que tu voyais à l’époque, en fait… J’ai jamais été vraiment inspiré par des artistes comme Todd Francis parce que j’ai jamais fait de trucs trash. C’est plus l’esthétique des graphismes qui va m’intéresser… Je me souviens qu’il y avait aussi Chill, le magazine, avec les illustrations de Malinowsky. Si tu t’intéressais un peu au graphisme, c’était une bonne alternative. Et un peu plus tard j’ai commencé à m’intéresser à Stefan Marx avec Lousy Livin

Alexis__Photo : Tristan Vergnault

Avec quels outils est-ce que tu travailles principalement pour faire tes designs ?
J’ai un ordinateur portable avec une souris, tout simplement. En peinture j’utilise de la gouache ou de l’acrylique. En vérité je travaille avec le matériel le moins cher possible. Vu que j’ai beaucoup voyagé dernièrement il faut que ça ne soit pas trop cher et que je puisse le jeter au besoin. Si je dois bouger d’une ville à l’autre je le jette et j’en rachète ailleurs. En fait dans chaque ville où j’emménage j’achète une imprimante et un scanner et je les revends avant de partir. En clair j’utilise des pinceaux et de la peinture pas chère, un scanner, et je ne peins que des petits formats, pas plus que grand que le A3.

Tu penses que si tu dois commencer à t’équiper plus « sérieusement » à l’avenir ça pourrait changer ton style de graphisme ?
Je ne pense pas vraiment, déjà parce que dans mon travail de graphisme c’est simplement du graphisme, alors on peut pas vraiment parler de « patte artistique », et dans mon travail d’illustration ça m’ennuie rapidement d’avoir toujours le même style.  C’est pour ça que je fais des expérimentations tout le temps, j’utilise de la peinture, des feutres, je fais de l’animation traditionnelle image par image…

J’ai vu que tu as déjà fait des designs de boards, pour le shop A La Bonne Planchette notamment. Est-ce que c’était un projet intéressant sur lequel travailler ? C’est pas un peu trop contraignant le format d’une board ?
C’est intéressant d’avoir des contraintes parce que ça apporte un aspect différent à ton travail, ça fait essayer d’autres choses. Pour la planche en collaboration avec Le Voyage à Nantes par exemple, lorsque j’ai dû faire la planche j’ai proposé ma vision de la ville. Vu que j’étais arrivé tout récemment à Nantes je pensais juste aux spots que j’aimais en ville. C’est ce que j’ai fini par dessiner et ils ont acceptés mon projet, donc on ne peut pas vraiment parler de contrainte dans ce cas là.

Entretien réalisé à Paris en novembre 2017.

 

 What’s the difference between a good and a bad graphic designer ? Honestly, I don’t know. So we’ve been talking painting and pencils with Alexis Jamet, who had been in charge of the graphic design of the last De Paris yearbook’s issue.

You’re a graphic designer and you sign the artistic direction of the last De Paris Yearbook’s issue. Can you explain quickly how that collaboration happened, and what your contribution in the book was ?
It’s Zeb (Thomas Busuttil) who first got in touch with me. Basically I didn’t even know him, I just met him a couple of times on spots in Tours. I talked to him and he told me to come visit and say hello at his office in Paris. When I came back to France for a couple of days I passed by and he offered me to do the art direction of the next issue. I thought it would be pretty hard at the beginning because I was already working 3 days a week in England but eventually I found a way to work on the book on the week-ends. At first there was no deadline really set, so I started to make complex illustrations that took a long time to draw. For example, the page with Mark Suciu comes with a « real » drawing. Then time passed by and deadline came closer, so I made it more simple to go faster. Finally the simple forms make it easier to read. I just had to set the color code between the different cities to make it coherent.

Isn’t it hard to work abroad ?
The hardest part was to not be able to have paper samples for the book, because I wasn’t talking « straight » to him. But the good thing with Zeb is that I had a lot of freedom to chose the photos and do the layout. Of course there was some constraints, like to not use too many photos of one skater for example, but we could discuss it together. I could tell him that some pictures would work better than another that had been already selected. There was a real discussion.

How did you start making graphic design ?
At the beginning I think I was doing some but I didn’t even know what it was. I started around 14-15 years old with a bunch of friends. We had a blog on Agoride.com, and we would be making videos. I started to draw the titles on some videos, illustrations and stuff… I wasn’t even doing that on Photoshop but on some kind of « Paint » software that I found on a free downloading website. Something very cheap… Ah ah ! It wasn’t even graphic design for me. During my school cursus, since I wasn’t really good at school, I started later typography painting. The problem is that I learnt this when the job was dying. Still, I wanted to carry on so I began to study graphic design at university. That was really about technique and had nothing to do with what I’m doing now, or even the kind of things you’re learning in schools like the Beaux-Arts. Basically, I was meant to do the design for big corporations… Ironically now I’m working in a studio where I have to create design for art centers and my job is really a conceptual type of thing. Exactly what I didn’t learnt at school.

Do you remember your first board graphic ? I hope it was something more epic that the mini-logo board that you can find at Costco…
I think… I had a mini-logo later, but my first board was a Shorty’s Chad Muska, the golden one.

Golden one ?
Yeah, when you’re a kid you take what’s bright ! Ah ah ! And I was very young so I needed a 7.3 board because I was wearing like 5.5 shoes ! Well… no, wait, that was my first real branded board. My first board was actually something you can find in Costco, with the drawing of an alien E.T. style on it !

Is there any artists that inspire you in skateboarding ?
Maybe Evan Hecox a bit with the Chocolate boards, and Mark Gonzales. Even Brian Lotti. Those were the most graphic things that you could see back in the days. I never got really inspired by artists like Todd Francis because I wasn’t doing trash kind of things. I was more attract by the aesthetic. I remember there was also this magazine, Chill, with Nicolas Malinowsky’s illustrations. If you were interested by graphic design in general, that was a good alternative. Later I started to pay attention to Stefan Marx’s work with Lousy Livin

With which tools do you usualy work with ?
I’ve got a laptop and a mouse, that’s it. For painting I’m using gouache and acrylic paint. To tell the truth I’m working with the cheapest possible stuff. Since I’ve been traveling a lot lately I need it to be cheap and disposable. If I have to move in another city I just throw it away and I’ll buy a new one somewhere else. In fact in every city I’m moving I’ll buy a scanner and a printer that I sell before I leave. So I’m using brushes, cheap painting, a scanner and I never paint bigger than the A3 format.

Do you think that the day you’ll need to get more « serious » equipment that could change your style ?
I don’t think so, because first of all my work is simply graphic design, so you can’t really speak of a real « artistic imprint », and I get bored really quick of my illustrations when I’m doing the same style every time. That’s why I’m experimenting so much. I use painting, felt, I’m doing traditionnal frame by frame animations…

I’ve seen that you’ve been working on board designs for a skateshop named A La Bonne Planchette. Was it an interesting project to work on ? Wasn’t it to restrictive to work on a skateboard format ?
That was interesting to have some restrictions with format because it shows a different aspect of your job and it makes you try different things. For the board in collaboration with Le Voyage à Nantes for example, when I had to design it I offered my vision of the city. Since I’ve been there recently I could only think about the spots in town I liked to skate… I drew that and they took it, so we can’t really speak of a restriction in that case.