Difficile de faire plus calme et plus humble qu‘Olivier. Et c’est probablement d’ailleurs ce qui lui fait défaut pour que le monde reconnaisse son talent. A quelques exceptions près, les artistes qui réussissent n’attendent pas qu’on leur pose des questions pour qu’ils parlent d’eux-mêmes…
[highlight]Q[/highlight]u’est-ce qui t’a fait quitter Lille ?
J’avais envie d’aller à Bordeaux pour faire des trucs avec Soy et Vivien (de Magenta). Lille est une méchante ville, il y a plein de trucs à faire mais peut-être que j’avais fait le tour des spots…
[highlight]T[/highlight]u as laissé ton frère ! Vous étiez un peu inséparables, tous les deux.
Non, pas tant que ça, on avait juste ce truc de filmer ensemble…
[highlight]J[/highlight]’ai des souvenirs de vous deux à Zumiez, en 99 ou 2000, on ne se connaissait même pas encore… Ce qui était marrant, c’est que tu étais à fond de mini rampe !
J’en fais plus énormément mais j’aimais bien, oui. Mais je skatais aussi le park, ça dépendait de la fréquentation… Ou peut-être que je me cachais un peu sur la mini…
[highlight]C[/highlight]e qui est original, c’est que « nous » en vieillissant, on fait de la mini, alors que toi tu as un peu commencé par ça…
C’est vrai… Et puis c’est aussi parce qu’à Armentières, quand ils ont construit le skatepark, il y avait déjà des anciens qui venaient faire de la mini toute l’après-midi. C’était une micro, du coup c’était drôle. J’ai pris des habitudes là-dessus et puis j’ai continué à Zumiez…
[highlight]C[/highlight]omment tu te sens à Bordeaux ? C’est comme tu imaginais ?
Je ne m’attendais pas à énormément de choses, juste voir comment ça se passait… C’est pas exactement comme je l’imaginais mais c’est plutot cool de passer un peu plus de temps avec Soy, Vivien, Glen et les Bordelais chez eux. (…) Après il y a un groupe de gens qui y vivent depuis longtemps, il y a tout un système qui fonctionne entre eux et chacun y a sa place…
„SI TU ES OUVERT À TOUT LE MONDE, TU TE FAIS AVOIR À UN MOMENT“
[highlight]E[/highlight]t c’est difficile d’y trouver la sienne ?
Oui, c’est compliqué dans un groupe où chacun est le pilier d’un truc et qui fonctionne. D’ailleurs ils font des trucs biens, mais c’est assez dur d’arriver et de créer une énergie nouvelle… Mais j’ai une part de responsabilité ! Peut-être que j’attends trop des gens…
[highlight]D[/highlight]ans quelle autre ville tu te verrais passer quelques années ?
Je pense que je viendrai à Paris un de ces jours, assez rapidement d’ailleurs !
[highlight]P[/highlight]lus pour le skate ou tout le reste ?
Paris est quand-même une ville magique, pleine d’énergie et pour le skate j’ai l’impression qu’il y a des spots dans tous les coins. Bordeaux est une chouette ville pour chiller mais tu peux vite faire le tour, et la ville peut paraître assez fermée. Ce n’est qu’un symbole mais là où dans les autres villes les entrées sont appelées des portes, à Bordeaux ils appellent ça des barrières ! Et pour mes dessins j’aurai plus d’opportunités, c’est clair. (…) Il y a ce côté hautin qui peut être parfois un peu dur à comprendre, mais c’est normal, c’est une protection, il y a tellement de gens… Si tu es ouvert à tout le monde, tu te fais avoir à un moment, donc tu dois te protéger je pense.
Magenta skateboards, 2012
[highlight]T[/highlight]u passes plus de temps à dessiner ou à skater, à Bordeaux ?
J’ai passé plus de temps à dessiner parce qu’on est sensés faire un truc pour la fin de l’année avec Magenta, et j’avais envie d’avancer. J’ai passé tout le mois de janvier à travailler sur un seul dessin…
[highlight]U[/highlight]n mois sur un seul dessin ? Ça doit faire au moins un mètre carré !
Oui, la carte fait environ un mètre mais le dessin est plus petit. En même temps, je peux ne passer qu’une semaine sur dessin, ça dépend des détails et de mon état psychologique. Parfois je traîne, et parfois je suis dedans, ça marche à fond alors ça va beaucoup plus vite. Mais je ne saurais pas te dire pourquoi parfois ça va plus vite que d’autres.
[highlight]T[/highlight]u bosses sur commande ou c’est selon ton inspiration ?
Selon mon inspiration, mais il se peut qu’on me propose un truc qui m’inspire.
[highlight]S[/highlight]i je t’apporte une carte de San Francisco, qu’est-ce que ça t’inspirerait ?
Il y a plein de choses à faire avec San Francisco. Mais en terme de commande, ça serait un truc qu’on partagerait comme on pourrait parler de musique autour d’un café par exemple, il y aurait un truc à trouver, une histoire à raconter à travers ton expérience de la ville…
[highlight]Q[/highlight]uel est le secret pour les BIC ne coulent pas ? On dirait que ça ne bave jamais sur tes dessins !
Tu les frottes un peu à côté… Mais si, il y a parfois des erreurs, mais il n’y a peut-être que moi qui les vois ! En fait, j’ai un toujours un papier et un essuie-tout à côté sur lesquels je fais des petits traits pour que la bille tourne un peu… Mais c’est assez drôle parce qu’il y a différents BIC. J’essaye d’en prendre des neufs à chaque nouveau dessin, et certains vont vieillir différemment, les traits seront plus ou moins fins au bout d’un moment… D’un stylo à l’autre, tu finis par savoir quand la goutte va arriver ! Je garde les plus usés pour faire du noir et les autres pour faire des détails…
[highlight]O[/highlight]ù est-ce qu’on peut voir ton travail ?
Dans le cyber-monde, j’ai juste un Tumblr, et dans la réalité il arrive que j’expose. J’ai eu un truc pour les 5 ans de Magenta, à Paris, par exemple. Je suis assez ouvert pour exposer, mais il faut que ce soit cohérent…
Pivot to fakie, Wazemmes. Photo : Périg Morisse
[highlight]T[/highlight]u vends des dessins, parfois ?
Oui, ça arrive, mais c’est toujours assez bizarre parce que la valeur de ce travail dépend du prix que tu annonces. Les gens ne se font pas une idée du travail graphique, c’est le prix que tu donnes qu’il donne de la valeur à te dessins. Si tu leur dis 100 euros, ils auront l’impression que tu vends ça à n’importe qui alors que si tu leurs dis 5000, ils vont se dire que le mec est bon ! Alors au début c’est hyper frustrant parce que tu vois que tout peut changer dans les yeux des gens d’un prix à un autre…
[highlight]S[/highlight]i c’est pas cher, ils sont déçus !
Oui, mais tout marche comme ça… C’est juste que quand c’est ton propre travail que c’est compliqué. Mais ça dépend à qui tu parles, parce qu’il y a des gens pour qui 1000 euros ce n’est pas cher… C’est une histoire de réseaux. C’est intéressant, mais la valeur du truc n’est pas dans le prix…
[highlight]T[/highlight]u ne dessines que sur des cartes ?
Oui, parce qu’il y a plusieurs niveaux de lecture, c’est un peu l’histoire de 20 ans de skate, de comment tu utilises la ville… Ce sont des personnages qui sont en lien avec leur environnement, par rapport à moi. En skate j’utilise la ville en 3D, et sur la carte c’est en 2D, c’est dans la continuité… Ce ne sont que des lignes qui se croisent, un truc abstrait de gens qui se croisent et qui se recroisent à un moment, à travers une expo par exemple, comme là !
Entretien réalisé le 29 mai à Paris. Et le blog d’Olivier, c’est par ICI.