Pour avoir modestement roulé ma bosse, de ce que j’ai vu, la Corse figure à mon avis parmi les plus beaux endroits du monde. Par contre, en bon touriste Parisien, je ne me suis jamais vraiment intéressé aux gens qui peuplent l’île de Beauté. Et avec les évènements récents, je me suis dit qu’il était peut-être temps de creuser un peu le sujet, histoire de mourir un peu moins con. Alors j’ai contacté ce bon vieux Caraccioli, qui est à moitié Corse (et à moitié Italien, et même un peu banlieusard aussi) pour tenter de comprendre ce qu’il se passe.
„ON A UN AMOUR CHARNEL POUR NOTRE ÎLE“
Quel est le lien entre les grosses manifestations en Corse et l’agression de Yvan Colonna (qui a été condamné par la justice pour assassinat du Préfet de Corse Claude Erignac) ?
Guillaume Caraccioli : Yvan Colonna est une icône dans la mouvance nationaliste Corse. Il a d’une part, réussi à échapper à la police pendant 4 ans de cavale et d’autre part été condamné dans un dossier ou aucune preuve n’a pu véritablement le confondre. Sa condamnation tient plus de la personne visée (le préfet Erignac) et du fait que Nicolas Sarkozy (ministre de l’intérieur à l’époque) le désigne comme l’assassin au moment de son arrestation.
Donc les Corses devraient (comme tout le monde de raisonnable à mon avis) détester Sarkozy pourtant ils ont voté pour lui à 57% aux présidentielles 2012… Ça doit être dû au fait que les nationalistes ne représentent qu’une petite partie de la population en Corse, je me trompe ?
Alors je ne pense pas être un spécialiste en termes de politique mais j’imagine que son programme devait avoir des avantages pour ceux qui ont voté pour lui. A savoir également qu’il n’y a pas que des Corses d’origine qui vivent sur l’ile. Après je ne veux pas parler au nom de tout les Corses mais je pense qu’on a un amour charnel pour notre île et que forcément on partage des idées qui ont pour but de la préserver à tous les niveaux…
Selon ce que j’ai lu, Colonna a été agressé par un djihadiste qui à priori n’a rien à voir avec les histoires d’indépendance de la Corse, cependant les manifestants demandent la vérité sur cette agression. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Déjà, il faut savoir que les Corses condamnés pour l’affaire Erignac ont toujours vu leur demande de rapprochement familial refusée (ils étaient jusqu’à présent détenus dans l’hexagone). On imagine bien que, si Colonna avait pu obtenir ce rapprochement en Corse, rien de tout cela ne serait arrivé… Concernant son agression, il avait un statut de DPS (détenu particulièrement signalé). Il devait donc être surveillé 24h sur 24, ne pas être en relation avec d’autre DPS, ce qui fut malheureusement le cas. Une commission d’enquête ministérielle est en cours pour répondre à ces questions : Pourquoi ils étaient 2 en salle de sport ? Pourquoi il n’y avait-il pas de surveillant présent ? Comment une agression de 8 minutes peut avoir lieu dans un local sous vidéo surveillance sans que personne n’intervienne ?
Dur à comprendre, effectivement. Donc l’agression (et la mort qui s’en est suivie) de Colonna est l’étincelle qui a allumé le feu et fait ressortir les anciennes revendications nationalistes. Ça c’est plus clair, déjà. La Corse demande l’autonomie. Au-delà du côté culturel, qu’auraient les Corses à y gagner ? Et pourquoi pas demander directement l’indépendance ?
Ce que demandent les Corses c’est une autonomie de plein pouvoir et de plein exercice. À savoir un pouvoir législatif, décisionnaire et fiscal étendu. Ils souhaitent également la reconnaissance du peuple corse et l’officialisation du bilinguisme Corse/Français. L’indépendance n’est pas revendiquée majoritairement.
Santa Maria Siche, village d’enfance de Guillaume. Photo : VC
Effectivement, ça ne coûterait pas grand-chose à l’état de reconnaitre le bilinguisme, je pense. Et ça ferait plaisir aux Corses ! Ça permettrait qu’il soit enseigné à l’école, le corse ?
La langue corse est déjà enseignée à l’école de façon optionnelle. Le but serait vraiment que cette langue fasse partie intégrante du quotidien sur l’ile afin qu’elle ne devienne pas une langue morte. Les jeunes ont à cœur de perpétuer les traditions et cela passe nécessairement par l’apprentissage de la langue de leurs ancêtres.
A part sa langue, qu’est-ce qui définit le peuple Corse ?
Je pense en premier à sa culture, son mode de vie très méditerranéen. Les loisirs sont souvent accès sur la nature, la chasse et la pèche, très pratiqué en corse. Ils ont un fort sentiment d’appartenance à une seule et même communauté.
Pourquoi l’Etat a toujours refusé l’autonomie, qu’a t’il à perdre selon toi ?
L’organisation de la France est centralisatrice. La Corse a déjà un statut particulier avec une assemblée régionale mais ses pouvoirs sont limités et toujours soumis à l’approbation du gouvernement français. De plus la Corse possède une base de l’OTAN à Solenzara ce qui donne à l’Europe une position militaire stratégique en méditerranée.
Guillaume, wall bash no grab, Bastia. Photo : VC
Bon, ça devient un peu trop technique pour moi, là, mais si je comprends bien, indépendance voudrait dire rattachement à l’OTAN, et comme on le voit avec l’Ukraine aujourd’hui, c’est pas une mince affaire… Donc l’autonomie est plus simple à obtenir et j’ai l’impression que de toute façon, ce qui importe aux Corses, c’est la reconnaissance de leur culture avant les histoires administratives… Quels sont les clichés sur les Corses qui s’avèrent vrais ?
Les Corse sont accueillants, c’est un peuple qui est fier et qui s’avère être très solidaire. Ils peuvent parfois paraitre un peu durs mais une fois que vous avez gagné leur confiance ils vous ouvrent les portes de leur magnifique ile. Et arrêtez de croire que le figatellu est du saucisson d’âne !
Ah ah ah ! Enfin, bref, j’ai encore du mal à comprendre à ces trucs de nationalisme, mais une chose est sûre, sans ça, la Corse ressemblerait aujourd’hui à la Côte d’Azur…