Les „fanzines“ ont toujours existé dans le skate en France, mais il semblerait qu’il y ait un renouveau, notamment depuis les différents confinements (ce qui n’est pas le cas d’OB’SESSION, apparu en 2017 à Nantes, mais de MAGDEZINE et HOMETOWN par exemple). Un état des lieux s’imposait, voici donc le troisième zine d’une série qui, espérons-le, sera longue…
Combien êtes-vous à bosser sur le zine ?
Mattéo Gaudin : À l’origine, nous étions deux à avoir lancé Ob’Session, Louis Chovaux et moi puis j’ai continué avec Rose Moreau (illustratrice). Ma sœur, Matilda Gaudin, à qui on doit le logo, m’a également filé de bons coups de main niveau identité visuelle et mise en page. On doit également la mise en page des numéros 3 et 4 à Alban Boisselier, gros big up à lui ! Sans oublier beaucoup de personnes qui nous ont aidé de près ou de loin : Julien Dellion, Damien Indersie, Gwendal Moysan, Marek Berger, Charles Lautru, Romain Schneider, Gabriel Renault et tant d’autres.
Comment est née l’idée et combien de temps ça a pris pour que ça sorte ?
L’idée de faire ce zine nous est venue avec Louis. Nous n’avions alors que 16-17 ans et à cet âge dans notre tête tout est possible. On voulait apparaître en photo dans un zine comme les pros mais en train de sauter un pauvre trottoir puis on s’est dit qu’il y avait quelque chose à creuser un peu plus en profondeur comme faire un zine sur la scène nantaise. On a cherché un nom, j’avais proposé „Le Skatophile“ et Louis avait trouvé „Ob’Session“. Heureusement nous avons opté pour le choix de Louis. On est alors à l’été 2017 et nous commençons à interviewer des gens qui ne comprennent pas encore trop pourquoi.
Quand est sorti le premier ?
Le premier numéro est sorti en septembre 2017, au prix de 6 euros. Au sommaire : un article sur des jumeaux de 13 ans qui cassaient tous à Nantes avec un pur flow (fallait voir ça, vraiment), quelques mots sur un DIY qui commençait à bien se former puis une interview exclusive de Pierre Garnier, ah ah ! Comme quoi on fait tous des erreurs.
Je ne te le fais pas dire… Quelles ont été les plus grosses difficultés ?
Je pense que toutes les difficultés ont été plus ou moins grosses. Premièrement, et c’est toujours le cas aujourd’hui, on a très peu de photographes de skate à Nantes et c’est une galère pour remplir le mag. J’en profite pour faire un gros merci à celles et ceux qui nous ont donné des tofs. De plus, lorsque nous avons commencé ce zine, nous étions kids et ne connaissions pas vraiment la scène nantaise, c’était donc un peu dur d’être légitime mais les gens ont accueilli le projet avec bienveillance et cela nous a permis de nous intégrer rapidement dans ce petit monde avec pleins de rencontres. Sinon, c’est généralement chaud de trouver des imprimeurs dont le devis rentre dans nos budgets. On finance en majorité le mag grâce à des annonceurs, et ce n’est pas toujours facile à trouver. Gros big up aux shops (NDJ skateshop qui nous suit depuis le début, Banc Public Skatestore ainsi que le Curieux Coffee et plus récemment Milk) et aux marques comme Fragile, Hextra, Edyne qui nous soutiennent. On est parvenu à rendre notre dernier numéro gratuit grâce à tout ce petit monde, ce qui nous a facilité la tâche niveau distribution du magazine et donc visibilité.
On est en 2023, à peu près tout se passe sur les réseaux sociaux, pourquoi faire un zine sur papier alors que ça ne coûte rien sur le net ?
Depuis tout petit je suis attaché au format papier. J’ai toujours dégoté des magazines dès que je voulais m’intéresser à un domaine. J’ai en quelques sortes découvert le skate grâce à un Kingpin que m’a mère m’avait acheté pour mes 11 ans. C’est un support qui me tient à cœur et aussi qui reste dans le temps. C’est toujours incroyable de retomber sur un vieux zine et de voir un spot que tu ne pensais jamais avoir été touché ou une interview d’un ancien dont tu n’imaginais pas la moitié de ce qu’il avait fait… Certes il y a aussi de très bon articles sur internet mais ce n’est pas pareil, il y a moins cet aspect chasse au trésor.
Est-il prévu de le mettre aussi en ligne ?
Pour l’instant nous n’y avons jamais songé mais pourquoi pas à l’avenir. Histoire d’avoir un backup numérique… Mais bon, avec le temps j’ai un peu honte des deux premiers numéros mais ce serait drôle quand-même !
Quel est le tirage et comment est financé le zine ?
Le premier a été tiré à 45 exemplaires et nous l’avons financé de manière assez shlag, ah ah ! Louis vendait des albums de rap de son oncle au porte à porte et moi je faisais de la musique dans la rue avec une petite maquette du zine devant la housse de guitare ! Au final ça avait plutôt bien marché mais on était passé par un imprimeur qui ne lésinait pas sur les prix donc on avait dû les vendre assez cher. Par la suite, les shops étaient chaud de nous aider sur le plan financier contre une pub, mais il fallait avoir une structure pour facturer. J’ai donc créé une asso afin que le mag ait son propre compte bancaire, ce qui nous a permis d’obtenir plus d’aides. On est aussi passé par des imprimeurs en ligne (avec quelques mauvaises surprises) et grâce à ça, nous avons pu baisser le prix de vente du mag à 2 euros et augmenter le tirage. On est passé à 200 exemplaires puis 300 et enfin 1000 pour le dernier zine en date qui était gratuit.
Comment est-il distribué ? Comment peut-on se le procurer ?
Les tous premiers, ont les vendait un peu à la sauvette pendant des sessions ou des évènements puis les shops nous ont filé un gros coup de main en nous prenant des zines en dépôt vente. À Nantes, c’était assez simple à distribuer mais dès qu’on essayait d’exporter quelques exemplaires dans d’autres villes c’était une autre histoire. En général, les shops n’ont pas trop le temps de gérer un point vente only cash d’un projet „d’inconnus“, compter combien de mag ont été vendus, nous garder une enveloppe de côté… Cependant, certains l’ont fait et on les remercie encore ! C’est principalement pour cette raison que j’ai tout fait pour que le mag devienne gratuit, comme ça j’envoyais juste un DM aux shops „Yo, ça vous dit que je vous envoie 30 zines gratos à distribuer aux skaters et aux clients de la boutique ?“ et ça a bien facilité la distribution.
Est-ce qu’il y a une périodicité de prévu ? Quand sort le prochain ?
Alors la fréquence de sortie des mag est un éternel running gag chez Ob’session, ah ah ! Non, sérieusement on sort un zine tous les ans au mieux. On aimerait en faire plus mais il ne faut pas oublier que c’est un zine propre à la scène Nantaise et il se passe plein de trucs mais pas assez pour faire un nouveau mag tous les six mois par exemple… Bon en vrai c’est également une excuse pour dire qu’on n’est pas super productifs non-plus…
Quel regard portes-tu et qu’attends-tu des médias skate français ?
En France, nous ne sommes pas les plus démunis niveau média skate. Sugar est toujours là c’est déjà une bonne chose. Il y a Live Skateboard media aussi sur le net. Aymeric Nocus met un point d’honneur à mettre en lumière des projets divers et variés. Je porte beaucoup d’attention à de nouveaux médias assez engagés comme Magdezine qui est le premier girl skatezine. C’est top et elles font un travail de malade. Sw greend aussi qui fait des infographies d’une part super élaborées et d’une autre part au contenu capital quant au contexte climatique actuel. Il y a plein d’autres superbes projets : à Tours les Clikos font du taf super quali, tout comme les gars de Face B à Lille, Momo à Rennes et j’en oublie ! Et bien sur À Propos qui n’abandonne jamais et se concentre, je trouve, sur des sujets un peu plus dans l’ombre (les city report, cette nouvelle rubrique) ça fait trop plaisir !
Quelles sont tes références actuelles et passées en termes de médias skate (français ou internationaux, web ou papier) ?
Je ne vais pas le cacher, j’ai été bercé par Sugar dès le plus jeune âge, et je pense que ça m’a beaucoup influencé malgré moi. Il n’y a qu’à regarder notre zine, il y a des rubriques similaires, des portraits de deux pages qui font penser au “ Vos Gueules“, des galeries photos aux „Bruts“ et j’en passe, ah ah ! Après, tous ces genres de rubriques existent depuis longtemps. Ensuite forcément Soma et À Propos. Quand ça sortait, je me rendais au plus vite dans les shops pour en choper avant qu’il n’y ait pénurie ! Plus généralement, à chaque fois qu’il y a un zine en libre distribution qui traîne dans un shop, ça finit dans le sac, que ce soit Free, Solo, Vague, Grey et j’en passe. J’aurai aimé connaître l’époque Big Brother, ce mag avait l’air dingue ! Pour finir, j’adore jeter un coup d’oeil aux vieux Freestyler ou Tricks, quand un OG de Nantes me montre une de ses paru d’il y a 20 ans !
Entretien réalisé par emails interposés en février 2023. Les premiers épisode de la série sur les zines sont ICI et LÀ.