En tant que fan inconditionnel de la Street League, je me suis rendu à Munich le week-end dernier pour assister au sâcre de Paul Rodriguez et à la chute de Nyah Huston (qui s’en est d’ailleurs pris des bonnes). Bon, en vérité, j’étais à Munich par hasard (sans déconner) et comme ça faisait longtemps que j’étais pas allé au cirque, j’ai saisi ma chance !
Vu que je n’avais jusqu’ici jamais assisté à la Street League en vrai, c’était donc l’occasion de voir comment ça se passe en réalité. J’étais aussi curieux de voir „the best skateboarders in the world“ se balarguer sous mes yeux ébahis et je dois bien avouer que d’un point de vue purement skate, c’est encore plus dingue qu’à la télé. Par contre, l’avantage (ou l’inconvénient) d’être sur place est qu’on voit aussi comment fonctionne la machine de l’intérieur.
Ainsi j’ai eu tout le loisir de me faire remettre à ma place par quelqu’un visiblement de l’organisation (elle parlait américain) parce que je me déplaçais un peu trop à son goût : „Excuse me, I saw you walking down there, it would be great if you could take a seat and take photos from there“ (Excusez-moi, je vous ai vu marcher là-bas, ce serait génial si vous pouviez vous asseoir et prendre vos photos de là). Surpris et ne voyant pas ce qu’il y avait de great dans tout ça, j’ai répondu simplement que pour pouvoir prendre des photos, j’avais besoin de me déplacer, et donc de „marcher“ (je précise que j’avais un badge qui m’autorisait l’accès à certains endroits, mais que j’avais un peu la flemme d’appeler un taxi pour aller à l’autre bout du park – car c’est probablement le fait que je me déplace à pied, chose inimaginable aux USA, qui posait problème). Ne voyant qu’une marge de négociation très réduite en perspective, j’ai hésité un instant (en bon français reulou) à faire un scandale et me faire virer à coup de pied au cul devant 3000 personnes, puis je me suis écrasé et j’ai obtempéré, me promettant de retranscrire ici-même ses propos absurdes typiquement américains où tout est great et amazing et ainsi montrer à la face du monde les injustices quotidiennes dont je fais l’objet. C’est donc chose faite, reprenons le cours normal de cet article.
Le pilote
Le type en jaune sur la photo ci-dessous tient tout le contest au bout des doigts. Son rôle se situe entre celui d’un arbitre de touche et celui du technicien qui oriente les avions sur la piste. Coiffé d’un casque relié à quelque salle obscure de réalisation, il fait en sorte que les horaires soient respectés à la seconde près, que les skaters ne commencent pas leur run pendant la coupure pub ou que les caméras télé ne se trompent pas lors des présentations en début de heat. Un rôle capital, donc, que tout le monde respecte sans broncher. La rumeur raconte cependant que Ryan Scheckler aurait arrêté la Street League parce qu’il ne souhaitait pas qu’on lui impose tout ça, et ce type en particulier. Voilà qui l’a fait instantanément remonter dans mon estime (avec sa part’ dans la vidéo Volcom, aussi), même si ceci n’est qu’une rumeur que je m’empresse ici-même de colporter.
Les Monster Girls
Si la Street League est un truc de mecs, elle a intégré des femmes dans l’organisation dont certaines visiblement ont des rôles importants (voir plus haut), ce qui, il faut bien avouer, est assez rare dans le skate (j’en sais trop rien pour les autres sports olympiques). On pourrait donc tirer notre chapeau à la Street League pour ce bel exemple de parité s’il n’y avait pas, errant dans le no-mans-land entre le skatepark et le public, le pire truc que le marketing ait pu inventer : les Monsters Girls. Loin de moi tout féminisme engagé (je préfère les hommes musclés en short fluo), juste qu’en 2016, si on a encore besoin de ça pour vendre son truc, c’est que c’est vraiment de la merde…
Paul Rodriguez
P-Rod a changé. Physiquement… Pourtant c’est pas faute de faire des exercices. Et même si le skate a toujours été friand des types pas très athlétiques (je vous laisse le soin de trouver des noms), avec P-Rod, j’ai encore du mal à m’y faire. Bon, c’est pas non-plus devenu un gros lard, mais une sorte d’armoire à glace ou plutôt, vu sa taille, de commode à glace (j’en ai vu une, un jour, chez un antiquaire périgourdin). Il arbore aussi désormais un coupe de footballeur : rasé sur les côtés, les cheveux en arrière maintenus par une certaine quantité de gel. Fini donc le temps des casquettes à l’envers dans lesquelles il avait l’habitude de prononcer une petite prière avant chaque run. Sur la forme donc, il a changé, mais sur le fond, ça reste une machine à faire des runs en switch. Même Carlos Ribeiro n’a rien pu faire, pourtant… Cela dit, s’il a fini premier, c’est principalement parce que les autres ont foiré leurs tricks sur la fin, pas forcément parce qu’il a fait les meilleurs tricks. Question de stratégie…
Tom Asta, nollie heel nose slide
Evan Smith
Evan Smith n’est autre que Jesus-Christ-notre-sauveur, dans le bon sens du terme. Il ne fait jamais le même run, il sort systématiquement des limites du park pour aller faire des trucs improbables, il fait du flat ou des handstands dans son run, tout ça avec le sourire et sans le moindre scrupule… À se demander ce qu’il fait encore là, où tout est fait pour que personne ne marche en dehors des clous. En y réfléchissant, on pourrait se dire que si la Street League le tolère encore, c’est peut-être parce que c’est une sorte de soupape de sécurité qui évite que le public n’explose de lassitude à force de toujours voir les mêmes runs. Ça ne peut être que la seule explication.
Bref, la Street League, c’est l’Amérique ! Ça n’a toujours rien n’à voir avec la rue comme son nom pourrait le laisser croire, et même si ça se déplace en Europe, c’est quasiment impossible pour un Européen d’en faire partie… Mais bon, ça ne représente qu’une toute petite partie du skate, et malgré tout, d’un point de vu purement technique, ça reste un spectacle contest assez incroyable. Ah, et je ne pourrais terminer ce texte sans avoir au moins une fois mentionné le nom de Shane O’Neil. Voilà, c’est fait.